Dans les îles australes, l'introduction de mammifères a eu un effet dévastateur
Nicolas Granet
[13 août 2005]
Le fragile écosystème des archipels antarctiques ne s'est pas adapté à
l'arrivée des rats, lapins et moutons
Des espèces invasives provenant du continent perturbent depuis plusieurs
dizaines d'années l'écosystème terrestre des îles et archipels antarctiques
français (Amsterdam, Crozet, Saint-Paul et Kerguelen). Au banc des
principaux accusés, des mammifères : le lapin, le rat, le chat, les bovins
et le mouton.
Le lapin et la vache furent introduits sur les îles australes afin que les
marins, en cas de naufrage, aient de quoi manger. Puis, avec la
fréquentation accrue de navires, d'autres envahisseurs sont arrivés plus
clandestinement, comme le rat.
Si ces animaux se sont acclimatés à leur nouvel environnement, la faune et la flore locales, elles, n'ont pas su s'adapter. Les écosystèmes des terres australes sont extrêmement simples : on n'y recense qu'une douzaine d'espèces de mouches quand, en métropole, on en compte plus de cinq cents.
«Le milieu est tellement simplifié que la nature ne parvient pas à
s'autoréguler», explique Yves Frenot, de l'Institut polaire basé à Brest.
Les espèces locales n'étaient pas préparées à l'apparition de la concurrence ou de prédateurs. Ainsi, à l'exception de l'Aceana, toutes les espèces végétales ont été décimées par le lapin. Du coup, l'absence de plantes a favorisé l'érosion des sols, ce qui rend encore plus difficile la
réimplantation de ces espèces.
Forts de ce constat, les chercheurs de l'Institut polaire se sont lancés, il
y a une dizaine d'années, dans des campagnes d'éradication des espèces
invasives. Mais ces campagnes se sont révélées inefficaces sur des îles de
taille importante comme la grande Terre de l'archipel des Kerguelen. Les
tentatives ont donc été menées sur des îlots comme celui de Saint-Paul dont la taille ne dépasse pas quelques kilomètres. Sur l'île d'Amsterdam, d'une superficie de 58 km2, le cheptel bovin a été confiné derrière une clôture de 8 kilomètres.
Là, en disséminant des boulettes empoisonnées, l'homme est parvenu à
éradiquer la totalité des lapins ainsi que des rats qui avaient délogé les
pétrels (un oiseau de mer) de leur habitat naturel. Les pétrels, qui
s'étaient réfugiés sur un rocher au large, recolonisent peu à peu Saint
Paul. «Mais le succès est mitigé», tempère Yves Frenot. En effet, le rat
régulait la population de souris également présentes sur l'île et celles-ci
se sont mises à proliférer. L'éradication peut ainsi entraîner des réactions
en cascade inattendues.
Les espèces invasives ne sont d'ailleurs pas les seuls responsables de la
dégradation du milieu austral. Le réchauffement climatique fragilise le
milieu. Car, depuis 1965, la température moyenne a augmenté de 1,3° C et il pleut moitié moins qu'en 1950. Même après l'éradication des espèces
nuisibles, la flore locale peine à se réimplanter.
Finalement, la méthode la plus efficace reste la prévention pour ne pas
contaminer les îlots préservés.
http://www.lefigaro.fr/sciences/20050813.FIG0093.html