Colloques au Collège International de Philosophie
L'animal : douleurs, souffrances, tristesses
Le 10/03/2006 Amphi Stourdzé, 1 rue Descartes, 75005 Paris (9h-12h15/14h-18h)
Sam 11 mars : Amphi Poincaré, 1 rue Descartes, 75005 Paris (9h-12h30)
La douleur humaine comme problème n’a pris toute sa mesure que fort récemment dans l’histoire de la médecine et de la chirurgie. L’attention s’est portée sur des phénomènes enveloppés naguère d’un sentiment de fatalité ou d’indifférence et sur les signes permettant d’en juger : ainsi chez les « malades mentaux », les états de fin de vie, l’inconfort pré- et post-opératoire, les nourrissons et enfin les animaux. Une sensibilité générale à la sensibilité souffrante a accédé à l’expression en même temps qu’une problématisation nouvelle, comme si l’on souffrait de plus en plus de la souffrance, malgré certes bien des inerties, des aveuglements, des soucis légitimes aussi tel l’intérêt de la douleur comme conscience de soi et de son corps. Mais paradoxalement, cette réticence accrue à la douleur semble s’accompagner d’une acceptation profonde, du besoin de la percevoir non plus comme un simple passage, dans une perspective de dépassement de principe, mais comme un état irréductible qu’il s’agit aussi de reconnaître pour pouvoir l’habiter. Cette problématique anthropologique de la douleur trouve un déplacement éclairant dans la question de l’animal qui nous montre le visage le plus étranger qu’elle puisse prendre pour nous — ce qui rend d’autant plus énigmatique, voire gênant, qu’elle surgisse parfois à travers cette distance comme étonnamment proche —, à tel point qu’elle a été longtemps déniée ou réduite. Les bêtes connaîtraient la douleur, mais dans une version si autre que la comparaison ne serait pas pertinente. Privée de la réflexion, l’épreuve du pénible ne s’élèverait pas en elles à la dignité de celle de l’homme chez qui l’expérience — même du négatif et de l’humiliation — est toujours auréolée du survol qu’en effectue la conscience. Est-il possible de se contenter de telles considérations ? Une douleur peut-elle être seulement corporelle ? L’animal accède-t-il d’une manière ou d’une autre à cette souffrance purement morale, à ce ressassement indéfini par la conscience de son état et de sa cause, cette épreuve de soi qu’on appelle tristesse, peine ou chagrin ? Sans doute bien davantage enfermé dans ses émotions, n’a-t-il pour autant rien à nous en dire, sa douleur interrogeant la nôtre depuis son altérité peut-être irréductible ? Telles sont les questions, examinées pour leur intérêt anthropologique mais aussi pour elles-mêmes, que le colloque cherchera à éclaircir en croisant des points de vue disciplinaires multiples.
Vendredi 10 mars
Matinée : Données scientifiques - Présidence : Georges Chapouthier
- 9h : Accueil et présentation du colloque
- 9h15 : Daniel Le Bars (neurobiologiste et vétérinaire, INSERM, Hôpital Pitié-Salpêtrière) : Douleur de l’homme, douleur de l’animal
- 10h15 : Frédéric Joulian (anthropologue, EHESS) : Conditions animales et condition humaine
- 11h15 : Éric Hamraoui (philosophe, CIPh, CNAM, Paris) : Douleur et souffrance dans la pensée médicale
- 12h15 : Pause
Après-midi : Anthropologie et douleur animale - Présidence : Jean-Luc Guichet
- 14h : Georges Chapouthier (biologiste et philosophe, CNRS) : La douleur sous l’angle de l’évolution des espèces
- 15h : Florence Burgat (philosophe, INRA, TSV, Ivry-sur-Seine) : La douleur « seulement animale » ?
- 16h : Bertrand Vergely (philosophe, I.E.P., Paris) : « Souffrir comme une bête » : interrogations sur une formule
- 17h : Yves Vargas (philosophe, directeur du GEMR - Groupe d’Etude du Matérialisme Rationnel, Paris) : La représentation de la douleur animale dans la peinture flamande
Samedi 11 mars
Matinée : Perspectives éthiques - Présidence : Florence Burgat
- 9h : Bernard Calvino (neurophysiologiste, CNRS, ESPCI, membre du comité d’éthique expérimentation animale Paris 1-IDF) : Problèmes éthiques posés par la recherche en Neurophysiologie de la douleur chez l'animal
- 10h : Yannis Constantinidès (philosophe, Université de Reims) : Douleur et animalité chez Nietzsche
- 11h : Jean-Luc Guichet (philosophe, CIPh, GEMR, membre du comité d’éthique expérimentation animale Paris 1-IDF) : L’animal inenvisageable, essai de phénoménologie morale de la douleur animale, des Lumières à aujourd’hui
- 12h : Discussion et synthèse finales - clôture du colloque.