La laitue au fil du temps
Le terme « laitue », qui est apparu dans la langue française au XIe siècle, vient du latin lactuca, qui est dérivé de lac, « lait », en référence à la sève blanche laiteuse que produit la plante.
Pendant des millénaires, les chasseurs-cueilleurs récoltaient les laitues appartenant à l'une ou l'autre des dizaines d'espèces sauvages de Lactuca. Si l'on se fie à des peintures apparaissant sur des tombes datant de 2 500 ans avant notre ère, une forme primitive de laitue romaine était peut-être déjà cultivée par les Égyptiens à cette époque, non pas pour ses feuilles, trop amères, mais, croit-on, pour ses graines desquelles on tirait une huile comestible, et possiblement pour ses propriétés médicinales. Toutefois, les premiers documents portant sur sa culture datent de l'an 450 avant notre ère. On pense que ce sont les Grecs de l'Antiquité qui ont, les premiers, domestiqué l'espèce L. serriola, originaire du bassin méditerranéen et du Proche-Orient, et ancêtre de toutes les formes de L. sativa que nous consommons aujourd'hui.
Dans son programme originel, la laitue formait rapidement une tige élevée sur laquelle poussaient de petites feuilles très amères. Dans un premier temps, les Romains s'attachèrent à atténuer cette amertume en soustrayant la plante à la lumière durant une partie de sa croissance (comme on le fait encore aujourd'hui pour les endives). Puis, à force de sélection, ils obtinrent des variétés à tige plus courte et à plus grosses feuilles, qui montaient moins rapidement en graines et étaient moins amères. Au premier siècle de notre ère, ils avaient sélectionné une douzaine de variétés, dont certaines étaient consommées couramment. Comme bien d'autres verdures, ils la mangeaient volontiers crue, assaisonnée d'huile et de vinaigre, habitude qui ne sera reprise en Europe de l'Ouest qu'au XVIe siècle, après une longue période où elle ne sera servie que cuite, dans les ragoûts et les tourtes, le Moyen Âge voyant d'un mauvais oeil les légumes crus.
La laitue traversera l'Atlantique avec Christophe Colomb qui apportera des semences lors de ses premiers voyages en Amérique. Jusqu'au milieu du XXe siècle, on y cultivera et consommera tous les types de laitue, dont nombre de variétés sont aujourd'hui introuvables.
Toutefois, l'introduction, en 1941, de l'iceberg (une variante plus ferme et plus grosse de la Batavia européenne) changera complètement la donne. On venait enfin de trouver une laitue qui supportait les contraintes de la culture industrielle, survivait aux longs voyages destinés à lui faire traverser un continent, voire un océan, et se conservait infiniment plus longtemps que les variétés connues.
Depuis, elle domine le marché nord-américain et est en voie de s'imposer en Europe, malgré le fait qu'elle soit nettement moins nutritive que la romaine, la laitue à couper ou la pommée. S'il est vrai qu'à la demande des consommateurs soucieux de leur santé, les autres types sont, depuis quelques décennies, mieux représentés, en 2000, elle occupait encore 73 % du marché nord-américain.
La laitue asperge
Cultivée en Chine depuis le Ve siècle, et peut-être avant, cette laitue, qui se comporte plutôt comme son ancêtre sauvage, est la préférée des Asiatiques. Ils consomment sa tige cuite, après l'avoir pelée et découpée en tronçons. Elle a également une certaine faveur en Égypte, où on la mange généralement crue.
Usages culinaires
Bien choisir
Les feuilles doivent être fermes, sans décoloration rougeâtre à leur extrémité et sans pourriture à la base.
Préparation
Ne laver la laitue qu'au moment de la préparer, dans l'eau très froide. L'essorer dans un linge ou dans un panier à salade. La vinaigrette tiendra mieux sur les feuilles si ces dernières sont bien sèches.
Afin d'éviter l'oxydation rougeâtre des tissus, qui détruit la vitamine C, il est préférable de déchirer la laitue plutôt que de la couper au couteau et de ne faire cette opération qu'à la dernière minute.
On ne la mélangera à la vinaigrette qu'au moment de servir. Verser d'abord la vinaigrette dans un grand saladier et ajouter la laitue par petites poignées à la fois, en tournant bien pour enrober les morceaux. En France, cette opération se fait directement à la table.
Peler la tige de la laitue asperge afin d'en éliminer l'amertume.
Apprêts culinaires
Salades : la servir seule simplement arrosée d'une bonne vinaigrette ou la marier avec d'autres verdures comme la roquette, la mâche, le cresson, la chicorée, le radicchio, etc. Jouer avec les couleurs, les saveurs, les formes et les textures. On peut bien sûr ajouter d'autres légumes, une viande froide ou des oeufs durs pour composer une salade-repas, mais si on la sert entre le plat principal et le dessert, comme c'est la coutume en Europe, on évitera de la surcharger d'ingrédients trop lourds.
Salade César : préparé avec des ingrédients frais, ce plat élaboré constitue un repas fort nutritif. Préparer d'abord la vinaigrette en passant au robot culinaire de l'ail, du poivre et du fromage parmesan. Ajouter des oeufs crus entiers, de la moutarde de Dijon, des filets d'anchois, un peu de jus de lime ou du vinaigre et, si désiré, de la sauce Worcestershire. Bien mélanger puis ajouter graduellement de l'huile d'olive ou un mélange d'huile d'olive et de tournesol. Préparer ensuite les croûtons (employer du pain de blé entier ou d'épeautre et de kamut) en les enduisant d'une marinade composée d'huile, d'ail et de fines herbes. Les cuire une quinzaine de minutes dans un four réglé à 180 °C (350 °F). Déchirer ensuite les feuilles de romaine, verser la vinaigrette en tournant bien, ajouter les croûtons et du parmesan râpé et servir sans délai. On peut remplacer les oeufs par du tofu et omettre les anchois.
Ajouter une feuille ou deux de laitue dans les sandwiches, les hamburgers ou les hot-dogs. On peut en faire une fine julienne dont on garnira les souvlakis ou les falafels présentés dans du pain pita. Préparer la julienne à la dernière minute et servir sans délai.
On peut aussi l'ajouter aux soupes de légumes ou en faire une crème. C'est une bonne façon de passer la laitue flétrie, dont le principal défaut est d'être peu appétissante à l'oeil. La cuire quelques minutes dans une casserole à couvert avec un peu d'eau. Égoutter, passer au mélangeur. Faire revenir de l'oignon finement émincé dans du beurre, épaissir avec de la farine, ajouter graduellement du bouillon ou du lait, un peu de paprika et de noix muscade râpée. Saler, ajouter la laitue et réchauffer. Si désiré, garnir de parmesan râpé.
Braisée : mettre des coeurs de romaine ou de laitue beurre dans un plat à gratiner. Ajouter du bouillon de poulet ou de veau, un peu de beurre et de sucre et saler. Amener à ébullition, couvrir et mijoter jusqu'à ce que la laitue soit tendre. Réserver au chaud. Réduire le bouillon jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une demi-tasse, incorporer une noix de beurre et napper la laitue de cette sauce. Ou la braiser simplement avec des tomates étuvées.
Papillotes : blanchir des feuilles de laitue quelques minutes dans l'eau bouillante. Les étaler ensuite sur le plan de travail, déposer une cuillerée ou deux de farce sur chacune des feuilles, et rouler après avoir replié les deux côtés sur la farce. Fixer avec un cure-dent et cuire ensuite les papillotes dans l'eau bouillante ou à la vapeur une dizaine de minutes si la farce est déjà cuite, ou une demi-heure si elle est crue. On peut également les mettre dans un plat à gratiner, les couvrir de bouillon chaud et cuire au four une heure. La farce pourra être composée de viande hachée (boeuf, veau, porc ou agneau) assaisonnée d'oignon finement émincé, de persil, d'ail, de thym et, si désiré, de piment de Cayenne.
On peut aussi farcir des feuilles crues de fromage, jambon ou autre viande, salade aux oeufs, fruits de mer, légumes ou fruits.
Moelle de laitue asperge : enlever le bout inférieur et couper l'extrémité supérieure garnie de feuilles. Débiter la tige en tronçons puis couper les tronçons longitudinalement. Les blanchir une dizaine de minutes dans l'eau bouillante salée, essorer puis faire dorer dans du beurre. Réserver dans un plat chaud en nappant du beurre chaud. Faire revenir de l'ail puis verser le jus d'un demi-citron dans la poêle. Ajouter l'extrémité supérieure de la tige avec ses feuilles et cuire juste le temps de réchauffer. Servir.
On peut également faire sauter la laitue asperge et la servir à la chinoise, avec d'autres légumes et un assaisonnement à base de sauce soya.
Conservation
Réfrigérateur : quelques jours dans le tiroir à légumes pour la laitue à couper, une semaine pour la pommée, la romaine ou la laitue asperge. Garder de préférence dans un sac de plastique perforé. Éviter la proximité des pommes, des poires et des bananes qui émettent de l'éthylène, un gaz qui cause le pourrissement de la laitue.
Congélateur : la laitue cuite peut se congeler, mais pas la fraîche.
Jardinage biologique
La laitue à semences blanches (il y en a des brunes et des noires) a besoin de lumière pour germer. On ne la recouvrira donc pas de terre, mais on la tassera bien contre le sol humide pour qu'elle ne dessèche pas.
Plante de climat frais et de photopériode courte, on la cultive surtout au printemps et à l'automne. Durant l'été, on pourra tenter la culture de la romaine, légèrement moins sensible à la chaleur, que l'on protégera contre les rayons ardents avec une ombrière ne laissant filtrer que 49 % de la lumière. On pourra également faire des semis successifs de laitue à couper aux deux semaines, et récolter les feuilles lorsque la plante est très jeune avant qu'elle n'ait le temps de monter en graines. Enfin, certains cultivars sont relativement résistants à la montée en graines.
Bien engraisser la terre et arroser souvent pour amener rapidement les plantes à maturité.
Pour obtenir une production hâtive, démarrer les plants dans des bacs à l'intérieur six à huit semaines avant les derniers gels. Transplanter trois ou quatre semaines plus tard en pleine terre (la plante ne craint pas le gel). Protéger contre le vent et les grands froids avec un tissu géotextile.
pH : 6,0 à 7,0
Espacement : 10 cm à 15 cm pour la laitue à couper, 15 cm à 20 cm pour les autres. Lorsque les plants prennent de l'expansion jusqu'à se toucher, en supprimer un sur deux.
Irrigation : contrairement à ce qui est recommandé pour la plupart des plantes potagères, la laitue préfère les arrosages fréquents, mais superficiels.
Insectes : en fin de saison, les pucerons sont à craindre, notamment parce qu'ils sont vecteurs du virus de la mosaïque, contre lequel on ne peut rien. Traiter au savon insecticide dès leur apparition. Les limaces peuvent également causer des problèmes. Limiter leur prolifération avec de la terre diatomée, des coquilles d'oeuf ou des contenants remplis de bière et disposés au pied des plants. L'extrait d'ail s'est également montré efficace contre ce gastéropode.
Maladies : on peut limiter la brûlure du bord des feuilles et la pourriture de la racine en faisant en sorte que l'air circule bien entre les plantes et en arrosant fréquemment, mais de façon superficielle.
Écologie et environnement
Selon l'organisme Pesticide Action Network, la laitue est, de tous les légumes, celui qui reçoit le plus grand nombre de traitements chimiques - herbicides, insecticides et, surtout, fongicides - au cours de sa croissance, ce qui en incite plusieurs à rechercher des produits biologiques. Toutefois, les maraîchers biologiques perdent 30 % à 40 % de leurs laitues à cause des maladies et des insectes qui s'y attaquent, ce qui entraîne forcément une augmentation du prix de détail.
Diverses solutions sont présentement expérimentées dans le but de réduire la fréquence et l'intensité de ces attaques. La biofimugation, par exemple, qui consiste à enfouir dans le sol, l'année précédant la culture de laitues, des plantes possédant des propriétés antifongiques, particulièrement les crucifères (famille du chou). Cette technique est considérée comme une solution de rechange efficace à l'application de bromure de méthyle, un fongicide dont l'utilisation sera bannie d'ici quelques années du fait des risques qu'il présente pour l'environnement et la santé humaine.
Une autre approche, extrêmement controversée pour le moment, a été expérimentée avec un certain succès, bien qu'à petite échelle. Il s'agit ni plus ni moins de pratiquer sur les semences les techniques de guérison énergétique (energy healing) dont se servent certains praticiens pour soigner les êtres humains, le but étant de renforcer les défenses immunitaires inscrites dans l'ADN.
Des expériences ont été menées au Royaume-Uni au début des années 2000, par une titulaire d'un doctorat en parapsychologie rattachée à un centre de recherche de Glastonbury. Des semences ont été placées dans des contenants scellés puis confiées à un homme qui pratiquait la guérison énergétique depuis plus de 30 ans. Seule une partie des semences fut soumise au traitement, sans que quiconque, hormis le guérisseur, ne sache laquelle. Puis on procéda aux semis. Au moment de la récolte, les laitues furent expédiées au laboratoire pour des analyses et on observa que celles qui étaient issues des semences « traitées » étaient considérablement moins attaquées par les maladies fongiques que les autres.
Sections La laitue au fil du temps, Usages culinaires, Conservation, Jardinage biologique, Écologie et environnement
Recherche et rédaction : Paulette Vanier
Fiche créée le : 8 septembre 2005