Dans le Sud-Ouest, des veaux trop beaux pour être honnêtes
Un fournisseur d'aliments dopés a été mis en examen, alors que ces
pratiques avaient presque disparu.
par Frédéric PONS
QUOTIDIEN : samedi 28 janvier 2006
Voilà une sale affaire qui ramène aux origines de la malbouffe, à la
fin des années 70, au temps où l'agriculture jouait parfois à fond la
carte du productivisme intensif, quitte à abîmer la santé d'autrui.
Jeudi, la juge d'instruction Anne-Marie Bellot, du pôle santé
publique de Paris, a décidé l'abattage de 1 828 veaux d'un cheptel du
Sud-Ouest pour cause de dopage au thiouracile, un anabolisant
strictement interdit en Europe. «Cette molécule ,dangereuse pour
l'homme ,déclenche chez les bestiaux une prise de poids accélérée et
fait baisser le taux de graisse dans le sang. Au bout du compte, le
tricheur qui donne des anabolisants à ses veaux obtient un avantage
concurrentiel illégal de 15 % par rapport à ses concurrents», déplore
Louis Orenga, le patron du Centre d'information des viandes (CIV).
Appel. Pour le moment, les animaux sont encore consignés dans leurs
fermes avant leur destruction complète. Quant au principal
responsable de cette fraude, un certain Pierre Dartout, fournisseur
des veaux et de leurs aliments dopés aux éleveurs, il a été mis en
examen dès le mois de décembre pour «détention et cession de
substances anabolisantes». Il a fait appel des ordonnances de
destruction des bestiaux prises par la juge.
L'affaire semble remonter à la fin 2004. A cette époque, des
contrôles inopinés réalisés dans le cadre du Plan de surveillance
européen de santé animale détectent des traces suspectes sur des
carcasses de veau d'un abattoir du Sud-Ouest. «Nous avons alors mis
des suspects sous surveillance et réalisé douze interpellations en
décembre dernier, notamment chez des éleveurs», explique le parquet
de Paris. Au même moment, six arrestations ont lieu en Espagne, où
une affaire du même genre, qui avait fait des vagues jusqu'à Rodez
(Aveyron), avait éclaté au début des années 2000. «Tout le monde sait
que l'Espagne laisse circuler des produits anabolisants pour le
bétail», commente avec assurance un responsable de la Fédération
nationale bovine.
Petit faiseur. «C'est difficile d'être certain qu'aucun veau dopé n'a
été commercialisé. Mais apparemment, il s'agit d'un trafic marginal :
Pierre Dartout est un petit faiseur qui traite avec des cheptels de
quelques centaines de têtes, alors qu'un élevage moyen de veaux pèse
en France à peu près 10 000 individus», tente de rassurer Louis
Orenga, du CIV. Qui rappelle que, à la différence des Etats-Unis où
les hormones naturelles de croissance sont licites, l'Union
européenne «n'en veut pas». Quitte à payer chaque année une amende de
plus de 100 millions de dollars à l'OMC après avoir perdu contre les
Etats-Unis et le Canada, dont la viande aux hormones est interdite de
séjour en Europe depuis 1989.
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