Les acides biliaires, clé de la lutte contre l'obésité ?
Connue dans l'Antiquité pour son rôle sur l'humeur et la santé, la bile et plus précisément les acides biliaires sécrétés par le foie ont suscité récemment un regain d'intérêt de la communauté scientifique. Des travaux dirigés par Johan Auwerx de l'Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IGBMC) de Strasbourg, et impliquant des équipes de la Harvard Médical School de Boston et de Tokyo au Japon, montrent aujourd'hui que l'ajout d'acide biliaire à une alimentation très riche en graisses est capable de prévenir l'obésité chez la souris ou de faire maigrir des souris rendues obèses, sans risque pour leur santé.
Ces résultats, confirmés in vitro chez l'homme, font des acides biliaires une nouvelle cible efficace pour traiter certaines pathologies telles que l'obésité ou le diabète de type 2. Ils sont publiés dans Nature, publication avancée en ligne du 08 janvier 2006.
Dans l'Antiquité, on accordait à la bile, substance sécrétée par le foie, une responsabilité dans la survenue de maladies et un rôle important en tant que régulateur de l'humeur. Les philosophes grecs tels qu'Hippocrate avaient divisé les fluides corporels en quatre humeurs : bile noire, bile jaune, flegme, et sanguine (sang).
Trop de bile noire causait ainsi la mélancolie, trop de bile jaune rendait les gens colériques provoquant amertume et irascibilité, trop de flegme induisait la lenteur, et un excès de sanguine rendait les gens trop confiants et optimistes. En dépit de cette popularité précoce, la bile, les acides biliaires (AB) et leurs principaux composants sont tombés dans l'oubli et leur rôle confiné jusque très récemment à la stimulation de l'absorption des lipides alimentaires et au métabolisme du cholestérol.
Récemment, sous l'impulsion de quelques investigateurs issus du monde entier, parmi lesquels Johan Auwerx de l'Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire (unité Inserm 596/CNRS/Université Louis Pasteur) à Illkirch, les acides biliaires ont connu un regain d'intérêt. On a notamment prouvé qu'ils envoyaient des signaux essentiels, non seulement aux organes proches de leur lieu de production (foie et intestin) mais qu'ils provoquaient également de nombreux processus à distance. Des travaux menés en 2004 par la même équipe ont montré que les acides biliaires permettent d'abaisser le taux de triglycérides.
De nouveaux travaux dirigés par Johan Auwerx à NGBMC, et impliquant des équipes de la Harvard Médical School de Boston et de Tokyo au Japon confirment le rôle important des acides biliaires en tant que facteurs régulateurs du métabolisme. Ces équipes viennent de démontrer que l'administration d'acides biliaires à des souris augmente la dépense énergétique, prévenant ainsi l'obésité et la résistance à l'insuline. Les souris nourries avec un régime très riche en graisses sont devenues obèses tandis que les souris nourries avec le même régime supplémenté en acide cholique (le plus abondant des acides biliaires) ont conservé un poids normal. De plus, l'administration d'AB dans la nourriture des souris rendues obèses a permis d'inverser le processus et de les faire revenir progressivement à un poids normal en 30 jours.
Les chercheurs ont montré que ce nouvel effet métabolique des acides biliaires dépend de l'induction d'une enzyme (diodothyronine deiodinase de type 2 ou D2). En effet, chez les souris dont le gène codant pour cette enzyme D2 a été inactivé, la supplémentation du régime alimentaire en acides biliaires n'a plus d'effet sur le maintien de leur poids. Chez l'homme, le traitement in vitro de cultures de cellules graisseuses (adipocytes) et de cellules musculaires (myoblastes) par des acides biliaires a entraîné une augmentation de l'activité de l'enzyme D2 et de la consommation d'oxygène.
Cette nouvelle voie de contrôle de l'équilibre énergétique par les acides biliaires peut représenter une nouvelle cible efficace pour traiter certaines maladies telles que l'obésité et le diabète de type 2.
En savoir plus sur le site : Nature advance online publication
(Communiqué de Presse de l'INSERM, 9 janvier 2006)
Source : INSERM
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