C'est super que tu ai envie de militer, un jour viendra, rassure-toi, où tu en auras l'occasion Renarde_
Article paru dans l'édition du 29.05.05
La "chasse écologique" à l'éléphant d'Afrique au service de la recherche
LE MONDE | 28.05.05 | 14h18
Les chercheurs posent un collier de suivi par satellite sur des animaux
anesthésiés.
La traque a commencé au petit matin. En silence, parfois après plusieurs
heures de marche, le chasseur finit par trouver sa proie : un éléphant mâle.
Il épaule et tire. Le fusil à la main, il pose pour le photographe, un pied
sur l'énorme bête, qui gît sur le flanc. Quelques minutes plus tard, il
s'éloigne et, lentement, le mastodonte s'ébroue, puis se relève. Dans la
réserve de Timbavati, qui jouxte le célèbre parc Kruger, les fusils ne sont
chargés que d'un puissant anesthésiant.
Cette réserve privée a développé, en collaboration avec l'association de
protection des animaux Save the Elephant, un nouveau concept, le "green
hunting" , la chasse écologique. "Nous essayons de réconcilier deux mondes, celui de la chasse et celui de la recherche" , explique Michèle Henley, scientifique qui pilote un projet de recherche sur les migrations des éléphants, le Transbourdary Research Project.
La traque ressemble en tout point à une chasse traditionnelle. Le chasseur
est accompagné de pisteurs, mais aussi d'un vétérinaire et de chercheurs.
"C'est encore plus difficile et plus excitant qu'une chasse classique, car
il faut s'approcher beaucoup plus près de la bête pour pouvoir l'endormir" , raconte Michèle Henley. Un hélicoptère fait des rondes pour être sûr de ne pas perdre l'éléphant, qui doit rapidement recevoir un antidote.
Il faut faire vite. L'équipe n'a qu'une demi-heure pour travailler avant de
réveiller le pachyderme. Le chasseur a le temps de se faire prendre en photo et peut aussi demander un moulage des défenses qu'il rapportera en trophée.
Mais ce n'est que la partie "sportive" de la chasse. Plus importante est la
pose d'un collier qui permettra ensuite de suivre l'éléphant par satellite.
"Notre objectif est de comprendre les mouvements migratoires des éléphants dans cette région, où ils vont, quand, et pourquoi. Leur zone, qui peut s'étendre sur 5 000 km2, est si vaste que les colliers radio ne suffisent pas. Et le pistage par satellite coûte une fortune" , explique Steve Henley, l'époux de Michèle, également chercheur.
Très bientôt, le chasseur pourra également suivre les déplacements de "son" éléphant sur Internet, mais en différé, car les chercheurs craignent que le repérage ne serve, ensuite, à orienter les touristes. Il en va de la tranquillité des bêtes.
Le collier vaut, à lui seul, 35 000 dollars, auxquels il faut ajouter 4 000
dollars par mois pour les données recueillies par le satellite. Les
chasseurs, en majorité des Américains, paient 25 000 dollars pour une
"chasse verte" . Un peu moins qu'une chasse traditionnelle, qui revient à 35 000 dollars pour un éléphant. Ce prix n'inclut pas le voyage, l'hébergement, ni l'éventuel travail de taxidermie. Et les possibilités sont limitées.
Chaque année, l'Afrique du Sud dispose en effet d'un quota de bêtes pour la chasse, qui est défini par Cites, la convention sur le commerce
international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction. Sur
l'année 2005, le pays peut exporter cinquante défenses d'éléphants et cinq
cornes de rhinocéros noirs. Le gouvernement répartit ces quotas dans les
provinces, qui les vendent ensuite aux réserves animalières.
Environ 750 éléphants peuplent la réserve de Timbavati, mais leur nombre
varie en permanence. En plus des deux autres réserves privées qui la
bordent, Timbavati possède une frontière commune ouverte avec le parc
Kruger. En tout, près de 12 000 éléphants se baladent sur 22 000 km2.
"LE LION EN BOÎTE"
Le projet de recherche prévoit d'équiper de collier une soixantaine
d'éléphants. Seuls six sont déjà appareillés. "Nous ne voulons pas faire
trop de publicité à notre programme, car il y a des risques de dérapages. Il ne faudrait pas que l'idée soit reprise à des fins purement commerciales.
L'anesthésie n'est pas un acte banal. On ne peut pas endormir un éléphant
plus d'une fois tous les deux ans. C'est pareil pour les autres espèces. On
ne veut pas de dérives comme celle du lion en boîte" , explique Steve
Henley.
Le "canned lion" , le "lion en boîte" , est un lionceau élevé en captivité,
séparé très tôt de sa mère pour être exhibé petit devant les touristes, qui
peuvent le toucher, le caresser. Plus grands, devenus plus dociles, ces
lions sont parfois utilisés pour la chasse. L'industrie de la chasse et du
safari rapporte chaque année environ 250 millions d'euros à l'Afrique du
Sud. Chaque touriste dépense, en moyenne, 6 000 euros pour un séjour d'une semaine dans une réserve, une manne qui suscite les convoitises.
Pour les chercheurs, il y a un véritable dilemme. Ils voudraient rester
discrets, mais ont aussi besoin de faire connaître leur projet pour attirer
des chasseurs fortunés prêts à participer aux frais du programme. "Nous
devons le faire en veillant à ce que notre programme se développe de la
façon la plus éthique possible" , insiste Michelle.
Fabienne Pompey
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