Kdm Commence à se sentir à l'aise
Nombre de messages : 91 Age : 57 Localisation : bordèu Loisirs : voile Date d'inscription : 27/03/2007
| Sujet: Eco village Mar 3 Avr - 11:12 | |
| bel article sur courrier international - Citation :
Caché dans les replis des Appalaches, le premier écovillage du Québec à vocation touristique est en train de voir le jour. Une sorte de retour à la terre version XXIe siècle C’est ici que se serait planqué Jacques Mesrine, l’ennemi public numéro un dans la France des années 1970. Sur l’emplacement d’une ancienne base militaire, où le NORAD [Commandement de la défense aérienne d’Amérique du Nord] fit fonctionner un énorme radar de 1955 à 1964, au plus fort de la guerre froide. Quatre soucoupes volantes auraient par ailleurs été aperçues dans les environs… Côté rumeur, on se croirait à Roswell, au Nouveau-Mexique… Mais nous sommes à quarante-cinq minutes en voiture de Québec, près du village de Saint-Sylvestre, dans la région de Lotbinière. Plus précisément au mont Sainte-Marguerite, à 698 mètres d’altitude. Du sommet de cette montagne aux propriétés magnétiques particulières, surnommée “le mont Radar”, on capte les stations radio FM de Montréal, pourtant situées à 200 kilomètres à vol d’oiseau. Après avoir été abandonné aux squatters et aux trafiquants en tous genres, après avoir accueilli un bar country et, jusqu’à récemment, de grandes raves annuelles rassemblant quelque 8 000 jeunes, ce coin mystérieux est sur le point de devenir l’un des plus avant-gardistes du Québec. Depuis l’an dernier, en effet, une quinzaine de personnes s’activent à y bâtir l’un des premiers écovillages de la province, un nouveau modèle de cadre de vie respectueux de l’environnement. Un concept délirant pour un lieu à l’histoire mouvementée ? L’avenir le dira. Pour l’instant, les principaux acteurs de l’aventure semblent sérieux. Jean-Marc Deneau, 34 ans, un graphiste originaire de Montréal à l’allure bohème et au sourire communicatif, a acheté le terrain et ses installations décrépites pour une bouchée de pain, il y a une dizaine d’années. Converti récemment à l’écologie par amour pour sa montagne, sa forêt, ses deux petits lacs et les ravages [refuges hivernaux] des chevreuils, il n’a jamais pu se résigner à vendre sa propriété à un promoteur aux visées strictement commerciales. Il rêve de transformer le vieux bunker du radar en un équivalent rural de la TOHU – la Cité des arts du cirque de Montréal. Véritable moulin à paroles, encyclopédie vivante des mythes et légendes du mont Radar, qu’il se plaît d’ailleurs à entretenir, Jean-Marc Deneau est en quelque sorte le gardien des lieux. Philippe Laramée, 30 ans, est plutôt le théoricien de l’affaire. Propriétaire des éditions de La Plume de feu, qu’il a fondées en 2002, il écrit, imprime et distribue tous les deux mois la revue Aube, une publication alternative traitant de “solutions écologiques”. Chaque numéro est vendu à environ 2 000 exemplaires, principalement par abonnements et dans les boutiques d’aliments naturels du Québec. “Sans publicité ni subventions”, précise ce gars au visage bon enfant et aux cheveux longs. L’écovillage, c’est sa création et celle de quelques proches collaborateurs. “Dans Aube, dit-il, on parle de développement durable depuis quatre ans. Maintenant, on passe à la pratique.” L’idée est dans l’air du temps. Partout sur la planète, des écovillages ont vu le jour dans la foulée du Sommet de la Terre à Rio, en 1992. L’ONU avait alors encouragé une initiative proposée par une ONG danoise, le Gaia Trust, visant à promouvoir, comme mode de développement durable, l’établissement de petites collectivités (quelques dizaines de personnes) économiquement viables et fondées sur des valeurs écologiques et sociales. Le concept d’écovillage était né. Ni sectes ni kibboutz, ces collectivités adhèrent pour la plupart au Réseau mondial des écovillages – organisme qui facilite l’échange d’expériences et de formation entre personnes intéressées par le principe, et qui compte déjà près de 350 villages membres. Certains écovillages, comme Findhorn en Ecosse – considéré comme un modèle –, sont des descendants directs des “communes” nouvel âge nées dans les années 1970, à l’époque du grand retour à la terre. D’autres, comme BedZED, en Angleterre, ont été conçus dans les années 1990 selon les principes de l’écoconstruction. Au Canada, environ 35 villages sont en cours de démarrage, dont 9 au Québec (en comptant celui du mont Radar), selon les chiffres compilés par le Réseau canadien des écovillages. Dans la pratique, il existe presque autant de modes de fonctionnement que d’écovillages. Au mont Radar, Philippe Laramée et Jean-Marc Deneau entendent bâtir une microsociété ouverte sur le monde, qui puisse servir de modèle de développement durable pour tout le Québec. Les fondateurs ont commencé à consigner leurs règles du jeu dans une charte, que chaque écovillageois devra respecter scrupuleusement. Pour le logement, une cinquantaine de maisons écologiques seront bâties sur les terrains jadis occupés par les casernes. A chacun de construire sa propre résidence principale ou secondaire, seul ou avec l’aide d’autres villageois ou d’un entrepreneur. L’écovillage du mont Radar compte pour l’instant deux maisons. Preuve que l’on peut créer du beau avec du recyclé, le revêtement extérieur de la maison de Philippe Laramée est fait de planches provenant de caisses d’emballage récupérées sur le chantier de construction du métro de Laval. Une auberge installée dans l’ancien mess des officiers accueille déjà une dizaine d’écovillageois, qui paient leur loyer en argent mais aussi en temps consacré aux besoins collectifs. A l’heure des repas, libre à chacun de mettre ce qu’il veut dans son assiette, en privilégiant les aliments biologiques, produits dans la région. On mange en commun ou chez soi, selon son humeur. “Le village exploite un jardin, mais on ne vise pas l’autarcie”, explique Philippe Laramée. Pour nourrir l’esprit, le mont Radar accueille chacun sans distinction de croyance ou de religion, du moment qu’il respecte les autres. Ailleurs, on est plus exigeants sur ce chapitre. Chaque écovillage définit aussi son mode de subsistance : on a beau encourager la simplicité volontaire et fuir comme la peste la société de consommation, on veut vivre, travailler, avoir des loisirs ! “Un écovillage doit créer de l’emploi localement”, dit Constant Mercier, dont le village, en chantier à Arundel, dans les Laurentides, se bâtit autour d’une ferme d’élevage biologique et d’une boulangerie. Au mont Radar, ce sont l’exploitation du camping et des lacs, la location du bunker et du théâtre de l’ancienne base ainsi que l’organisation de manifestations culturelles qui, pour l’instant, font vivre la collectivité. Spectacles de musique, de vidéos et de cirque, organisation du Rassemblement québécois pour la jeunesse… “On pourrait louer le théâtre ou les salles de réunion à n’importe qui, mais on choisit des organismes en accord avec notre mission”, précise Jean-Marc Deneau. La revue Aube est aussi écrite et imprimée sur place. Dans les prochaines années, les écovillageois comptent réhabiliter les sentiers de randonnée, bâtir des installations de permaculture (un mode de culture durable, économe en énergie et en eau), installer une éolienne… et devenir un centre modèle d’éducation au développement durable, en offrant régulièrement des stages de formation sur le sujet. Ce ne sont pas les projets qui manquent pour fournir du travail aux écovillageois ! Par sa contribution en temps ou en argent, chacun doit subvenir au développement du groupe. “On prévoit qu’un tiers des écovillageois pourraient travailler à une entreprise collective, un tiers chez eux, comme travailleurs autonomes, et un tiers ailleurs”, dit Jean-Marc Deneau, qui exerce son métier de graphiste sur place, profitant de la connexion Internet haut débit offerte par Telus en échange du droit d’exploiter une antenne en haut de la montagne. Pilier du développement durable, avec l’écologie et l’économie, le social est – souvent – la pierre d’achoppement des projets d’écovillage. Partager le travail et les biens communautaires, accepter les décisions prises sur un mode participatif, passer du temps à discuter dans des “cercles de parole”… tout cela demande aux écovillageois d’apprendre à penser autrement leurs rapports humains et à créer des liens solides. De quoi faire perdre quelques illusions à ceux qui voient dans ces communautés un moyen facile de se sortir de la misère. “Les écovillages attirent beaucoup de gens à faible revenu qui rêvent d’un monde meilleur sans se rendre compte qu’ils devront beaucoup travailler pour recevoir en retour”, dit Carole Ricard, représentante québécoise du Réseau canadien des écovillages. Certaines expériences ont déjà échoué pour des questions de détail, comme le fait d’autoriser ou non les animaux domestiques… “Mais les écovillages ont beaucoup appris des erreurs du passé et mis en place des outils pour faciliter les échanges, tout en respectant mieux la limite entre l’individu et le groupe”, affirme Leslie Carbonneau, étudiante au bac [équivalent d’une licence] en anthropologie à l’université Laval et écovillageoise du mont Radar, qu’elle a pris comme sujet d’étude. Le plus gros hic, c’est encore de trouver un endroit où s’établir. Carole Ricard en sait quelque chose : après avoir fait partie de trois groupes dissous prématurément, elle vient enfin de trouver une terre de 100 hectares à Saint-Simon-de-Rimouski, où son mari et elle prévoient de bâtir un écovillage d’ici à quelques années. “Il faut beaucoup de patience pour faire les montages financiers, venir à bout des règlements de zonage, des questions juridiques, des normes de construction, de la méfiance des municipalités qui nous prennent souvent pour des sectes”, dit-elle. Mais, peu à peu, le concept d’écovillage se fait connaître. A grand renfort de discussions sur Internet, les promoteurs s’organisent, se forment, se font conseiller… et ça marche ! A Château-Richer, en banlieue de Québec, l’Arche écologique accueille depuis l’an dernier des jardins communautaires et quelques autres activités à saveur écologique sur un terrain donné par un particulier, où il est prévu de construire des maisons. Et, dans les Laurentides, Terravie, un organisme sans but lucratif, vient de soustraire à la spéculation foncière une terre située juste à côté du mont Tremblant, pour y permettre la mise en place d’un écovillage. Quant aux habitants de Saint-Sylvestre, au pied du mont Radar, ils sont désormais acquis à la cause : entre des voisins qui veulent préserver la montagne tout en attirant de nouveaux habitants dans cette région victime de l’exode rural et des rôdeurs se livrant à tous les trafics ou à l’observation des ovnis, ils ont fait leur choix ! Valérie Borde
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