La cocaïne gangrène les grands parcs naturels colombiens
mercredi 28 septembre 2005, 14h46
PUERTO ARTUR, Colombie (AP) - La culture de la cocaïne, contre laquelle les autorités colombiennes luttent en faisant un usage massif de désherbants pour éliminer les plants de coca, s'étend désormais dans les parcs naturels du pays, où elle menace des trésors naturels uniques au monde. Là, en effet, l'épandage de produits chimiques est interdit.
Poussés hors de leurs territoires habituels, paysans et narcotrafiquants
rasent des milliers d'hectares de forêt vierge protégée et polluent les
rivières, provoquant des dégâts tels que le gouvernement se demande s'il ne serait pas moins dommageable pour la faune et la flore d'étendre ses
largages de désherbants par avion.
La Colombie abrite 15% des espèces végétales de la planète et de très
nombreux animaux. Dans sa jungle et dans les reliefs des Andes vivent des populations introuvables ailleurs.
En survolant le parc national de la Sierra Macarena, à environ 150km au sud de Bogota, on peut déjà se rendre compte des ravages de la cocaïne: les 640.000 hectares de végétation sont balafrés çà et là par des clairières où gisent les troncs calcinés des arbres abattus par les cultivateurs.
Des laboratoires clandestins ont été installés par dizaines dans la forêt
et, en lisière, dans le village de Puerto Arturo, pour que les paysans qui
cultivent la coca puissent la transformer en pâte que les rebelles ou les
factions paramilitaires d'extrême-droite se chargent ensuite de raffiner.
Ces opérations nécessitent des tonnes d'essence, de ciment, d'acide
chlorhydrique et d'autres composés chimiques qui s'infiltrent dans les sols
et polluent la rivière.
Pour l'instant, seule une petite partie du parc est concernée, mais la
progression de la coca est inquiétante, selon la police de lutte contre les
stupéfiants. Elle aurait plus que triplé en deux ans, atteignant près de
4.000 hectares. Dans l'ensemble des parcs colombiens, 11.000 hectares
seraient ainsi cultivés, entraînant des dommages à la nature sur une surface trois fois plus importante.
"Les parcs nationaux offrent un abri presque parfait pour les trafiquants",
a expliqué le colonel Henry Gamboa de la police colombienne, à bord d'un
hélicoptère survolant un laboratoire clandestin de la Sierra Macarena. "On
ne peut rien faire..."
Les Etats-Unis ont versé plusieurs milliards de dollars aux autorités
colombiennes au cours des cinq dernières années pour aider à l'épandage de désherbants sur les champs de coca. Selon les Nations unies, cette offensive a permis l'an dernier de faire reculer la production de cocaïne de 13% en Colombie.
Craignant des dommages pour les animaux et la forêt, les tribus autochtones et les défenseurs de l'environnement s'opposent à un éventuel recours aux désherbants dans les parcs protégés pour contrer les trafiquants. "La fumigation (dispersion de vapeurs chimiques, NDLR) n'est pas une solution au problème de la drogue en Colombie", soutient Nilson Zurita, de l'organisation nationale des indigènes colombiens. "Elle détruit l'environnement et empoisonne les animaux et les gens. Il faut trouver une autre solution."
Les écologistes demandent au gouvernement de détruire les plantes à la
machette, une méthode qui s'est révélée efficace dans les zones de montagne inaccessibles aux avions.
Mais dans la Sierra Macarena comme dans la plupart des parcs, le terrain est occupé par des rebelles qui menacent de tuer tous ceux qui se livreront à de telles destructions, répondent les autorités. "Nous aimerions bien avoir recours à l'éradication manuelle, mais dans certaines parties du parc, (...) l'accès est très difficile", a expliqué à l'Associated Press la ministre de l'Environnement Sandra Suarez, favorable comme les responsables de la police à la fumigation. AP
http://fr.news.yahoo.com/050928/5/4lv3y.html