Réduire l'expérimentation animale et accélérer l'évaluation des produits
Le projet de réglementation européenne Reach visant à éliminer les produits chimiques toxiques suppose une masse énorme de tests. En 2002, dans l'Europe à 15, plus d'un million d'animaux (essentiellement des poissons) ont été utilisés lors d'évaluations toxicologiques. Les estimations, très lâches, vont de 3,9 à 43 millions d'animaux pour tester les 30 000 composés chimiques visés par Reach.
Or cette recherche animale est à la fois coûteuse, parfois peu
représentative de la toxicité chez l'homme, et de plus en plus mal perçue
par le public. Aussi des recherches sont-elles en cours pour trouver des
méthodes de substitution. "L'animal ne prédit pas vraiment le comportement humain", admet Thomas Hartung, chef du Centre européen pour la validation de méthodes alternatives (Ecvam). Depuis 1991, ce laboratoire de la Commission européenne, installé à Ispra (Italie), étudie et valide divers procédés, tels que les tests in vitro, l'utilisation de modèles informatiques, le passage aux cultures de cellules humaines.
La recherche de substituts s'accélère. "Dans les dix premières années
d'existence d'Ecvam, 16 tests alternatifs ont été mis sur pied. Désormais,
40 sont étudiés en parallèle", indique Thomas Hartung. Les études
s'internationalisent. Pour la carcinogénicité, des laboratoires américains,
européens et japonais se sont associés pour trouver une méthode in vitro.
Les résultats seraient désormais disponibles en cinq semaines, contre deux ans et 1 million d'euros pour les tests in vivo impliquant le sacrifice de 500 rongeurs.
L'industrie concourt à cet effort de recherche, consciente que ces tests
peuvent devenir rentables : des cellules humaines pourront ainsi remplacer les 200 000 lapins qu'on utilise chaque année dans la détection d'impuretés dans les médicaments. Un marché mondial de 200 millions d'euros par an.
Certains prônent d'ailleurs l'abandon pur et simple des test animaux au
profit de la toxicogénomique fondée sur des cultures cellulaires humaines et l'utilisation de puces à ADN. Celles-ci sont capables de distinguer la
surexpression de certains gènes en présence d'un toxique. Claude Reiss, de l'association Antidote Europe, regrette que les laboratoires comme Ecvam ne concentrent pas leurs efforts sur ce thème. "La raison, c'est que la toxicogénomique ne laisse rien dans l'ombre : on saura sans ambiguïté si tel produit, pour lequel on ne dispose pas forcément de substitut, est toxique ou non", dit-il, citant une étude à paraître dans la revue Biogenics Means. Il reconnaît que les start-up ayant contribué à l'étude espèrent surfer sur la toxicogénomique.
"Cette approche est prometteuse, reconnaît Thomas Hartung. Le point critique sera de montrer à quel degré elle prédit la réalité. Pour l'heure, cela n'a pas été fait."
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 17.11.05
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-710678@51-710056,0.html