Substances animales pour produire du diesel Un tigre pour faire vrombir le moteurPublié le samedi 18 février 2006, à 12h57
Sur fond de fin du pétrole et de changements climatiques, d’autres
énergies apparaissent : la Suisse veut produire du diesel avec des
substances animales.
Mais la perspective de voir finir ses animaux domestiques dans le réservoir
de sa voiture soulève interrogations et discussions.
La croissance de la consommation énergétique mondiale, l’inexorable
tarissement des ressources pétrolières et la menace des changements
climatiques accélèrent la recherche de nouvelles solutions.
Certains pays entendent, entre autre, promouvoir la benzine biologique à
base de végétaux (colza, céréales, etc.). En Suisse, on est même en train
d’élaborer ou de réaliser des projets de production de carburant à partir de
farines et de graisses animales.
Le plus important doit être lancé dès février par Centravo-GZM, l’entreprise
qui écoule plus de la moitié des résidus d’origine animale en Suisse.
Des matériaux connus« Plus de 100’000 tonnes de carcasses et résidus animaux arrivent chaque
année dans nos installations, en provenance des abattoirs et des centres
régionaux de récolte des cadavres d’animaux. Ces matériaux permettent
d’extraire deux produits : des graisses et des farines animales », explique
Georg Herriger, porte-parole de Centravo-GZM.
Jusqu’à il y a dix ans, ces produits étaient encore presque entièrement
recyclés : les farines animales étaient employées, par exemple, pour
produire des engrais ou des fourrages pour les animaux d’élevage.
Dans les années 90, la crise de la vache folle a mis fin au cannibalisme
forcé des bovins et des ovins. Les farines animales, soupçonnées de contenir
les prions à l’origine de la pandémie, ont été bannies.
Depuis lors, ces résidus animaux sont simplement brûlés au nom des consignes
sanitaires. Les cendres sont ensuite utilisées généralement pour produire du
ciment.
Haute valeur énergétique« Comme il s’agit de produits à haute valeur énergétique, on pense
maintenant à les utiliser de manière plus utile et rationnelle », ajoute
Georg Herriger.
Ainsi, l’usine TMF de Bazenheid, dans le canton de Saint-Gall, a déjà lancé
un projet pilote pour transformer les farines animales en diesel pour
moteurs à bas régime, comme par exemple les moteurs de bateaux.
Centravo GZM a même l’intention de produire un carburant en mesure
d’alimenter nos véhicules. L’entreprise veut construire à Lyss, dans le
canton de Berne, une usine pour extraire du diesel des graisses animales.
Comme le biodiesel dérivé de matières végétales, ce carburant, appelé
biodiesel plus, est lui aussi mélangé à hauteur de 5% au diesel d’origine
fossile.
Le débat est ouvertPour construire cette usine, Centravo-GZM espère se voir accorder par le
Parlement des réductions fiscales à la production de carburant biologique.
Du point de vue écologique, le biodiesel extrait de graisses animales est
même supérieur à celui d’origine végétale.
« Pour produire du biodiesel, il faut cultiver du colza ou d’autres produits
agricoles. Pour le biodiesel plus, on utilise des substances animales qui
existent déjà et qui sont purement et simplement brûlées », souligne Georg
Herriger.
Mais le projet de Centravo-GZM suscite le débat parmi certains journalistes
suisses : pour produire ce carburant, on utiliserait aussi les animaux
domestiques provenant des centres de récolte des carcasses.
L’idée de voir son chat ou son chien favori finir dans le moteur des
voitures soulève également des sentiments de dégoût et d’indignation chez
certains lecteurs.
« Personne n’est obligé de sacrifier ses animaux domestiques : ils peuvent
être enterrés, s’ils pèsent moins de 10 kilos, ou être incinérés dans des
endroits prévus pour cela, rappelle Georg Herriger.
Des réserves éthiques
Parmi les opposants qui manifestent des réserves de nature éthique, les
organisations pour la protection des animaux n’ont pas l’intention de se
battre contre ce projet.
« Il revient à la société de décider, du point de vue éthique, d’accorder
aux animaux un droit à la paix éternelle, comme pour les êtres humains »,
affirme Bernhard Trachsel, éthologue et responsable de la Société
protectrice des animaux de Zurich.
« Si on ne veut pas leur accorder ce droit, alors on ne peut juger des
diverses façons d’utiliser leur cadavre : en fin de compte, cela revient au
même si on utilise les animaux pour produire des engrais, du ciment ou du
carburant. »
Pour les défenseurs des animaux, il s’agit surtout de lutter pour que, de la
naissance à la mort, ces créatures elles aussi soient traitées de manière «
humaine ».
« Personnellement, je ne peux imaginer de voir transformer en carburant ou
en un quelconque autre produit un chien ou un chat qui a fait partie de ma
famille pendant des années », ajoute Bernhard Trachsel.
Armando Mombelli (Traduction de l’italien : Isabelle Eichenberger)
Source Swissinfo
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