On ne parle plus de l'ours ? Parlons des bergers
Dans les Pyrénées, la réintroduction du chien est encouragée par le gouvernement.
Le patou revient dans les pas de l'ours
Par Laure ESPIEU - Bordeaux de notre correspondante
Campé devant l'enclos des brebis, un chiot blanc de 8 semaines aboie face à l'intrus. Il ne connaît pas les caresses, le geste l'effraye. Il recule tout en donnant de la voix, et se blottit au milieu des bêtes. En même temps que l'ours, une autre espèce a fait un retour plus discret dans les Pyrénées : le chien patou. Utilisée pour la protection des troupeaux, cette race 100 % pyrénéenne, avait quasiment disparu. On en compte aujourd'hui 66, surveillant les troupeaux qui estivent tout l'été dans les pâturages en altitude.
55 kg et 70 cm de hauteur
C'est pendant cette saison, lorsque les brebis sont moins protégées, et l'ours en quête de nourriture pour soigner sa ligne avant l'hiver, que les risques sont les plus importants. Massif, avec ses 55 kilos et ses 70 centimètres de hauteur, le grand chien blanc veille. Il a un lien très étroit avec les bêtes. Prêt à aller jusqu'au bout pour repousser les prédateurs. Né dans la bergerie et issu de parents eux-mêmes chiens de protection, le patou passe toute sa vie avec les moutons. Séparé tout jeune de sa fratrie, il grandit seul au milieu du troupeau et reporte son affection sur les animaux. Même les membres de la famille ou les autres chiens sont tenus à l'écart. C'est là que se crée l'attachement du chiot au troupeau, et réciproquement, que les brebis acceptent sa présence. «On voit souvent les brebis venir au contact du chien, le lécher ou lui chercher les puces, s'amuse Maurice Puysségur, jeune éleveur, et relais pour la réintroduction des patous. Le chien finit par considérer les moutons comme son territoire. Il les défendra ensuite tout naturellement.»
Un mode d'éducation fondamental pour la réussite future du chien. Mais dont les Pyrénéens ont perdu l'habitude. C'est pourquoi l'Association pour la cohabitation pastorale gère leur mise en place sur tout le massif. Les chiens font partie des mesures d'accompagnement pour le programme ours, et la structure relaie les incitations gouvernementales. Tous n'ont cependant pas attendu ça pour s'équiper : Pascal Cacheux, l'un des animateurs, les utilise depuis 1988. «Quand je les ai pris, c'était uniquement pour lutter contre les chiens errants, les renards et les corneilles, qui font des ravages, en attaquant les agneaux, explique-t-il. C'est un outil très efficace. L'ours remet les chiens au goût du jour, mais ceux-ci ont aussi une très grande utilité face aux autres prédateurs.» Les convertis se désolent de voir le patou devenir un symbole du débat autour du plantigrade. «L'hostilité de certains éleveurs se situe uniquement au niveau de l'image, souligne Maurice Puysségur. On est catalogué pro-ours parce qu'on met un chien blanc au milieu d'un troupeau.»
Réseau d'entraide et subventions
Pour le moment, la présence des chiens reste marginale. Vingt et un ont été achetés l'an dernier, contre huit en 2001. Les bergers bénéficient d'un tarif préférentiel : 321 euros. Pour un chien estimé entre 900 et 1 000 euros dans le commerce. Et le gouvernement leur octroie en plus une subvention de 763 euros pour couvrir ces frais ainsi que l'alimentation et la vaccination. «La tradition n'est pas de mettre de l'argent pour un chien, explique Pascal Cacheux. S'il était au prix du marché, personne ne l'achèterait. Les bergers se les sont toujours donnés.» L'association tisse donc un réseau d'entraide entre les propriétaires et les met en relations avec des acheteurs. Aucun éleveur de chiens professionnel n'intervient dans ce système.
Quant à savoir si le patou est réellement efficace face à l'ours... Certains rappellent que ce n'est qu'un «outil», qui doit s'accompagner d'autres mesures, comme la présence d'un berger, le rassemblement des troupeaux, ou le parcage des bêtes la nuit. Maurice Puysségur, lui, constate que les attaques contre son troupeau, toutes espèces confondues, ont désormais cessé. «Je ne peux plus m'en passer, j'ai l'esprit tellement plus tranquille.»
QUOTIDIEN : Jeudi 27 juillet 2006 -
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