PARIS (AFP) - L'ours, dont les tentatives de réintroduction dans les Pyrénées ont suscité des "controverses tournant parfois à l'hystérie collective", était jadis le roi des animaux en Europe, parfois vénéré comme un véritable dieu, rappelle un ouvrage sur l'histoire du plantigrade.
Ces cultes très anciens ont laissé de nombreuses traces dans l'imaginaire du Haut Moyen Âge, souligne Michel Pastoureau dans son ouvrage "L'ours, histoire d'un roi déchu", ce que l'Eglise, qui cherche à convertir ces peuples barbares, ne supporte pas.
D'autant qu'il y a plus grave : l'ours passe pour être sexuellement attiré par les jeunes femmes. Il les recherche, les enlève et les viole, donnant naissance à des êtres mi-homme, mi-ours, qui deviennent des guerriers indomptables, voire des fondateurs de lignées prestigieuses.
De nombreuses histoires d'ours violeurs de femmes figurent dans les contes et légendes de l'Europe entière, rappelle Michel Pastoureau, déjà auteur d'"Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental" (Seuil - 2004).
L'Eglise médiévale lui déclare la guerre avant même le règne de Charlemagne, une guerre qui durera près d'un millénaire, au cours de laquelle tous les moyens seront bons aux prélats et aux théologiens pour déboulonner l'ours de son trône.
Elle installe sur ce trône symbolique le lion, un animal plus lointain donc plus maîtrisable, roi des bestiaires de l'orient mais absent des rites païens de l'Europe du nord.
Pour faire place nette au lion, l'ours sera systématiquement combattu, diabolisé dans l'imagerie religieuse, dominé par les saints dans la mythologie, ridiculisé, humilié et réduit à un rôle de bête de foire promenée de village en village, dansant, faisant des tours et amusant le public.
Le Roman de Renart fournit un solide témoignage de cette dévalorisation de l'ours, et contribue à l'accentuer puis à la transformer en une véritable déchéance qui s'étend rapidement à d'autres domaines des littératures et des savoirs profanes.
Il est présent dans six des Fables de La Fontaine, où il se montre tout à la fois paresseux, stupide, gourmand et maladroit (le pavé de l'ours).
Détroné, poursuivi et condamné, le malheureux plantigrade quitte la forêt pour se réfugier dans les montagnes. Non seulement il ne fait plus peur à personne, mais c'est lui qui a peur et fuit le voisinage des hommes.
"L'ancien roi des animaux, ancêtre ou parent de l'homme pour de nombreuses cultures très anciennes, est un animal qui n'a plus que quelques décennies à vivre, du moins à l'état sauvage", estime Michel Pastoureau.
Mais il a pris sa revanche dans l'imaginaire des hommes avec la naissance de l'ours en peluche.
En 1902, lors d'une partie de chasse, le président américain Theodore Roosevelt était resté bredouille. Un de ses collaborateurs eut l'idée de capturer un jeune ours et de l'attacher discrètement à un arbre.
Mais Roosevelt refusa de tirer l'animal et l'histoire se répandit dans la presse.
Jusqu'à ce qu'un certain Morris Mitchom, qui tenait à New York une boutique de jouets, eût l'idée de faire fabriquer un ours en peluche évoquant celui épargné par le président en demandant à la Maison Blanche l'autorisation de lui donner le surnom affectueux de Teddy, diminutif de Theodore: Teddy Bear était né.
source : yahoo.fr