source:
Libération rubrique "vous"
http://www.liberation.fr/vous/236864.FR.php
Activisme. Des végétariens ont effectué hier un happening «sanglant».
A Paris, une petite brochette d'antiviande
Par Emmanuèle PEYRET
QUOTIDIEN : vendredi 23 février 2007
4 réactions
Des gars dans une barquette en polystyrène emballés sous cellophane devant la fontaine Saint-Michel à Paris ? Autant dire que ça ne se rate pas, et que c'est d'une impatiente semelle qu'on battait le pavé glacial, hier midi, en attendant les héros du végétarisme, en retard. En voilà une qui joue visiblement dans le happening de Mangez végétarien, un groupuscule de militants à l'origine de cette manifestation visant à alerter la population sur les souffrances infligées aux animaux juste pour qu'on les bouffe.
Faux sang. La jeune Cynthia, clope au bec, (le trac, sans doute ?) est en tee-shirt (il fait 6 degrés à tout casser, c'est dire si elle aime les bêtes), recouverte de (faux) sang, «acheté dans une boutique de farces et attrapes», précise une autre végétarienne. Aaaaaaah, voilà les barquettes, la cellophane, et le garçon qui va faire le bifteck mâle. «Vous êtes beau garçon pour un végétarien», l'apostrophe une vieille dame manifestement estomaquée par ces gens. «Vous venez d'arrêter la viande, non ? Faut en manger, hein, sinon vous n'aurez plus de muscles.» Deux pancartes, «stress souffrance des animaux», une touriste italienne s'en cogne, enjambe les barquettes et demande à être prise en photo devant la fontaine.
Cellophane. Ça y est, les deux exécutants sont maculés de faux sang, emballés dans une barquette et recouvert de cellophane. L'effet est, comment dire, assez dégueulasse. «Mais vous avez bien raison», clame une jeune femme, l'air un tout petit peu halluciné. Ça s'explique : végétarienne, médium, Jamila a «eu des flashs il y a six ans sur la réincarnation, heureusement on va rentrer dans l'ère du Verseau et peut-être enfin sortir de la matrice». Ah oui, enfin. La vieille dame l'interpelle : «Vous êtes bien pâle, ça se voit que vous mangez pas de viande.» S'ensuit un échange aussi vif qu'abscons sur la nécessité de manger de la viande quand on bosse à la mine et de quitter l'ère du poisson. «Faut lui faire un trou pour qu'il respire», rigole un monsieur devant l'une des barquettes qui s'agite faiblement. Les gens passent, sourient, sont choqués, comme cette dame «qui n'en a rien à foutre qu'ils mangent ou pas de la viande, c'est leur problème» ; furax, comme ce SDF qui dit qu'il en boufferait bien, de la viande ; ravis, comme ces touristes anglais : «Awooh, take a picture, darling», dit la dame en se plaçant près des barquettes. Un chouette souvenir de la capitale. «Ils ont bien raison, nous, on est végétariens, normaux, quoi, dit Anne-Marie, bardotienne en diable, qui se plaint des amendes qu'elle reçoit en nourrissant les oiseaux. Il faut faire des actions qui se voient.» Fou de rage, un monsieur invective la meute de photographes, aussi nombreux que pour Sarkozy, il faut reconnaître l'efficacité du service de com de Mangez végétarien : «Bande de charognards, c'est la vue et l'odeur du sang qui vous attirent, hein !» s'époumone-t-il sous l'oeil consterné d'Anne-Marie la végétarienne : «Y a vraiment des dingues.»