Quand les animaux soignent les humains
SANTÉ Auprès des enfants et des personnes âgées malades, les animaux peuvent avoir un effet thérapeutique. Une présence pourtant mal acceptée dans les hôpitaux français.
Isabelle Brisson
[02 janvier 2006]
SOUPLEMENT tenue en laisse par Alice, Scarlett investit d'un trot allègre le salon de la Maison des parents, un lieu de retraite médicalisé privé du XIIIe arrondissement de Paris. C'est là que la petite chienne, une femelle épa gneul nain anglais ou «cavalier king charles» de quatre ans, exerce avec sa maîtresse, Alice, de 23 ans son «métier» de chien- visiteur.
Scarlett appartient à la meute des 15 toutous «bien dans leurs poils» de Parole de chien. Une association qui fournit huit institutions de la région parisienne et qui face à un succès croissant appelle à plus de bénévoles (1). «Le statut de chien visiteur est accordé après des tests d'aptitude, si la comportementaliste qui les fait passer constate que le chien est éduqué, sociable et équilibré», confie Isabelle de Tournemire, fondatrice et directrice de l'association. Après le binôme chien-maître, qui doit être motivé inventif, suit une formation.
Aujourd'hui, l'arrivée de l'affectueuse Scarlett est porteuse d'émotion, si l'on en juge par le sourire qui se dessine sur plupart des lèvres. Nombreuses sont les anecdotes contées d'une voix hésitante par les pensionnaires à Alice qui les sollicite. A propos d'un chien connu dans le passé... A qui il ne manquait que la parole... Alice se dévoue pour les personnes âgées en souvenir de ses grands-parents qu'elle aimait beaucoup. «Chez ma grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer, il se passait beaucoup de choses au niveau du toucher, grâce aux chiens», témoigne-t-elle.
Caresser un chien ralentit le rythme cardiaque
Maintenant, dans le salon de la maison de retraite, Scarlett grimpe sur l'un des canapés où Micheline, une femme de plus de 80 ans qui apprécie particulièrement la petite bête, est assise. Cette dame atteinte de troubles de mémoire attend le regard fixe, près d'un autre pensionnaire qui réclame la chienne pour elle. Scarlett pose un long moment son museau sur le ventre de Micheline immobile. A notre grande surprise, la dame qui n'a pas l'habitude de desserrer les dents prononce le prénom de la chienne et va même jusqu'à dire celui de l'association ! Après une courte pause de la chienne, Tony, animateur dynamique de cette institution, bat le rappel. L'atelier qui commence va lui permettre de constituer un barème d'évaluation sur l'état de santé de ses pensionnaires.
Aujourd'hui, il y a une dizaine de volontaires. Les uns toilettent la chienne, un exercice qui dérouille les articulations. Tandis que d'autres s'exercent à l'appeler par son nom en tapant des mains pour la faire venir aux pieds. Un travail excellent pour la mémoire à court terme. Et qui marche mieux avec un chien grâce au côté affectif. Scarlett a bien gagné sa croquette, en guise de salaire. Au total, la visite a duré une heure et demie.
Belle démonstration des effets positifs que peut procurer un animal sur la santé humaine. Le British Medical Journal (BMJ) rappelait récemment (2) que cette idée est partie des Etats-Unis en 1980. Caresser un chien ralentit en effet le rythme cardiaque, calme le malade et, selon cette communication, permet de diminuer les dépenses de santé. En posséder un dans les premières années de la vie permet par la suite de réduire le risque d'asthme, de rhinite et d'allergie. Et donne un meilleur bien-être physique et psychologique aux personnes âgées. Cette étude aide à comprendre pourquoi, aux Etats-Unis et en Angleterre, la «pet-therapy» (thérapie animale) met couramment des mammifères, y compris des rongeurs, des chevaux et des dauphins, au centre de méthodes thérapeutiques.
Objectifs thérapeutiques
En France, on parle plus prudemment d'activités associant l'animal, même s'il a été constaté que ce dernier sert à créer le lien entre le personnel soignant et le malade et vient en aide aux personnes déprimées. Il permet à des handicapés, des autistes ou des personnes âgées atteintes de maladies dégénératives de sortir de leur enfermement, de se rééduquer et de gagner l'affection qui leur manque. «Quand les gens sont vieux et malades, on n'a pas toujours envie de les embrasser», regrettaient des spécialistes assistant aux Rencontres francophones sur les activités associant l'animal (AAA) en décembre dernier à Bourg-en-Bresse.
Cette première réunion du genre animée par l'Association française d'information et de recherche sur l'animal de compagnie (Afirac) a été présidée par Didier Vernay, vétérinaire au CHU de Clermont-Ferrand. Pendant ces deux journées, il s'agissait de porter un regard éthique sur la médiation animale. On y apprenait entre autres que la concentration demandée à l'animal, qu'il s'agisse d'un chien ou d'un cheval que l'on dresse à des fins thérapeutiques, ne peut excéder vingt minutes. «Il y a une grande capacité d'écoute chez les animaux qui comprennent le langage humain», soulignait Dominique Lestel, philosophe et éthologue.
Curieusement la France qui est l'un des pays possédant le plus d'animaux de compagnie par personne en Europe a pourtant plus de difficultés que l'Angleterre, les Pays-Bas et la Belgique, à s'organiser sur ce sujet. Les hôpitaux hésitent à admettre les animaux dans leurs locaux, parce qu'il n'existe pas suffisamment d'études sur le sujet et que pour eux, l'animal est synonyme de contamination. Pourtant leurs bienfaits auprès des enfants ne sont plus à prouver. Grâce à la présence d'un animal, une étude réalisée dans les pays de l'Est a permis de comprendre pourquoi les enfants mouraient alors qu'ils avaient à boire et à manger. «Ces enfants étaient délaissés, explique le docteur Véronique Barrois, directrice de la Ferme européenne des enfants. L'animal crée le lien, un lien indispensable à la vie qui rassure valorise et stimule les petits.»
(1) «Parole de chien», tél. : 01.42. 85.23.39.
(2) Synthèse des études sur la santé humaine et les animaux, 26 no vembre 2005.
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