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 « Ce singe qui est en nous »

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arnelae
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arnelae


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« Ce singe qui est en nous » Empty
MessageSujet: « Ce singe qui est en nous »   « Ce singe qui est en nous » EmptyJeu 16 Mar - 2:35

Quelle est la frontière entre humanité et animalité ? Un peu d'évolution et beaucoup d'illusion peut-être...

Frans De Waal : « ce singe qui est en nous »

Vous sentez-vous plutôt chimpanzé ou plutôt bonobo ? Dans son nouveau
livre, le célèbre primatologue met en lumière les comportements qui
nous rapprochent de ces deux espèces.

Propos recueillis par Olivier Postel-Vinay

Le Point : Les chimpanzés et les bonobos sont les deux espèces les
plus proches de l'homme. Sommes-nous plus proches de l'une que de
l'autre ?


Frans de Waal : Beaucoup de gens aimeraient que nous soyons plus
proches des bonobos, parce que ces élégants cousins des chimpanzés
semblent appliquer à la lettre le slogan « Faites l'amour, pas la
guerre ». En réalité, nous sommes à égale distance des uns et des
autres sur l'arbre de l'évolution. Quand on observe les
comportements, nous sommes à certains égards très proches des
bonobos, à d'autres très proches des chimpanzés.

En quoi sommes-nous plus proches des bonobos ?

La force du lien entre les femelles, par exemple. C'est un trait
commun à nos deux sociétés, alors que ce lien est très peu développé
chez les chimpanzés. En fait, la société bonobo est même dominée par
les femelles. On ne peut en dire autant des sociétés humaines, mais
les femmes y exercent un rôle déterminant. Le fait qu'une espèce
voisine de la nôtre ait évolué vers la domination féminine révèle un
potentiel de notre lignée. Un autre trait commun est la place donnée
à la sexualité non reproductive. Je pense que les trois quarts de
l'activité sexuelle des bonobos n'ont rien à voir avec la reproduction.

Diriez-vous que la proportion est la même dans notre espèce ?

Je n'en sais rien, mais j'observe que cela fait débat. L'Eglise et
nombre de conservateurs pensent que le sexe devrait être réservé à la
reproduction. Je crois utile de souligner qu'il existe dans notre
lignée une espèce chez laquelle la sexualité est utilisée pour
renforcer le lien social. Je pense qu'il en est de même chez nous,
même si nous le pratiquons à une moindre échelle. Vous, les Français,
avez cette jolie expression : la « réconciliation sur l'oreiller ».
Les bonobos s'y adonnent presque tout le temps, y compris avec des
individus du même sexe.

L'Eglise apprécierait peut-être davantage l'étonnante faculté
d'empathie que vous leur reconnaissez...


Je pense que le bonobo est, de tous les grands singes, le plus
capable de se mettre à la place d'autrui et d'exploiter cette faculté
pour venir en aide. Deux exemples. Au zoo de San Diego, les gardiens
avaient vidé et nettoyé la douve. Ils s'apprêtaient à l'inonder à
nouveau quand un vieux mâle vint frénétiquement crier et gesticuler à
leur fenêtre. Il y avait des jeunes qui jouaient au fond de la douve
et qui risquaient de se noyer. Les gardiens leur fournirent une
échelle. Tous purent monter, sauf le plus jeune, que le vieux bonobo
alla chercher lui-même. Dans un autre zoo, un étourneau tomba après
s'être cogné contre une vitre. Une femelle le prit délicatement,
tenta de le remettre sur pied. Comme l'oiseau se contentait de battre
des ailes, elle monta en haut du plus grand arbre, n'utilisant que
ses jambes, car les mains tenaient l'oiseau. Elle en écarta
soigneusement les ailes et le lança, comme un avion en papier. Il
retomba sur la rive de la douve, où la femelle bonobo le protégea
jusqu'à son envol, dans la soirée.

L'altruisme n'est donc pas le propre de l'homme ?

Le « propre de l'homme ». Encore une jolie expression française, qui
n'a pas son équivalent en anglais. Depuis bien longtemps on cherche à
identifier la différence essentielle entre l'animal et l'humain. Mais
elle ne cesse de nous échapper. Bien que le sujet reste controversé,
l'empathie dont sont capables les bonobos démontre à mes yeux
l'existence d'une continuité entre la morale des grands singes et
celle des humains. Homo sapiens n'est pas le seul animal moral.

En quoi sommes-nous plus proches des chimpanzés ?

La ressemblance la plus frappante est du côté des mâles. Ils sont en
compétition intense pour l'accès au pouvoir et aux femelles. Mais en
même temps ils ne cessent de nouer des liens entre eux. Dans une
grande entreprise, vous voyez les hommes se livrer une compétition
acharnée pour les postes, les rémunérations, les clients. Mais vous
les voyez aussi former des clans, des coalitions. Et, dès que
l'extérieur est en cause, ils font bloc. Sans quoi l'entreprise
risque de sombrer. Il en va de même chez les chimpanzés. Ils doivent
défendre leur territoire contre les autres communautés de chimpanzés.
S'ils ne le font pas, ils se font tuer. Donc ils se soudent. Dans la
compétition interne à leur communauté, ils sont foncièrement
opportunistes. Les ennemis d'un jour se réconcilient et vont chasser
ensemble le lendemain.

Le mâle bonobo ressemble donc moins au mâle humain ?

Beaucoup moins. Il agit plus pour son compte. Il reste aussi
dépendant de sa mère, qui veille à le faire monter dans la hiérarchie
tout en partageant la réalité du pouvoir avec les autres mères. Le
mâle chimpanzé est un bien meilleur modèle du mâle humain. Il offre
toute la palette des comportements liés à la domination masculine :
luttes pour le pouvoir, coopération à la chasse et à la guerre,
agressivité physique (y compris à l'égard des femelles), xénophobie.

La femelle chimpanzé a-t-elle des points communs avec la femme ?

Moins que la femelle bonobo, car elle vit la plupart du temps seule
avec ses enfants dans la forêt, le plus possible à l'abri des mâles.
Elle ne noue donc pas d'alliance efficace avec d'autres femelles.

Pourtant, vous avez décrit des scènes frappantes où des femelles
chimpanzés parviennent à faire cesser des querelles entre mâles.
Comment font-elles ?


C'est un comportement qui s'observe en captivité, mais pas sur le
terrain. En captivité, on les voit même ôter les armes des mains des
combattants et les amener à une véritable réconciliation. C'est
d'ailleurs un point intéressant : les femelles chimpanzés sont plus
douées pour faire la paix entre mâles que pour faire la paix entre
elles.

La jalousie masculine est-elle décelable sur le terrain ?

Elle est omniprésente. Le mâle alpha ne tolère pas que d'autres mâles
entreprennent une femelle dans son champ de vision. Dans le monde
animal, la jalousie des femelles n'existe que dans les espèces où se
forment des couples durables. On le voit chez les humains et les
oiseaux, mais guère chez les chimpanzés ou les bonobos, espèces chez
lesquelles la femelle n'investit pas longtemps dans un mâle en
particulier.

Vous écrivez qu'en fait de relations sociales les grands singes
donnent l'impression d'être aussi intelligents que nous. Pourtant,
leur cerveau est beaucoup plus petit ...


Trois fois plus petit. Mais, dans le domaine des émotions de base et
des rapports quotidiens, je ne crois pas que nous soyons beaucoup
plus intelligents. La complexité des relations sociales entre
chimpanzés vaut à peu près celle qu'on trouve dans une société
humaine. Si notre société est plus complexe, c'est que nous avons
créé des institutions et instauré une division des rôles.

Où se trouve la principale ligne de partage entre eux et nous ?

Dans les facultés nouvelles développées par notre gros cerveau : le
langage parlé, l'abstraction, la faculté de se projeter dans le
temps. Et dans l'intelligence technique que ces facultés ont générée.
Mais la ligne de partage n'est pas nette. Les grands singes ont
développé des outils. Il est possible de leur enseigner l'usage de
symboles.

Et la famille nucléaire ? N'est-ce pas notre invention ?

Je ne pense pas que nous l'ayons inventée. Mère Nature nous y a
conduits. Mais c'est bien une autre différence essentielle. La clé de
cet arrangement fut sans doute le rôle croissant du mâle dans le soin
apporté aux enfants. Les femelles chimpanzés et bonobos ont un enfant
tous les cinq ou six ans. Ce temps est divisé par deux chez la femme.
Quand nous sommes sortis de la forêt, nous étions très vulnérables.
Il y avait beaucoup de grands prédateurs. Une femelle encombrée de
deux enfants était une proie facile. Ce fut probablement le début
d'un rapprochement entre mâles et femelles, pour la sauvegarde des
enfants. Or, pour obtenir la coopération d'un mâle, il fallait lui
donner des assurances quant à sa paternité. La famille nucléaire
était en germe.

Les ancêtres des femmes auraient-elles joué un rôle décisif dans
cette évolution ?


C'est bien possible. Si j'avais été une femme, c'est ce que j'aurais
fait : trouver les moyens de m'assurer la protection d'un mâle, et de
bien le choisir. Nous, les primatologues et les biologistes,
regrettons parfois la tendance des anthropologues à mettre l'accent
sur le rôle du mâle dans l'évolution. Il n'y a aucune raison de
penser que celui de la femelle ait été moindre. Cruciale pour
l'évolution, la reproduction concerne les deux sexes

En Afrique tropicale
Les chimpanzés habitent les forêts tropicales africaines depuis la Guinée à l'ouest jusqu'au nord du fleuve Zaïre et au lac Tanganyika. Les bonobos habitent au sud de la grande boucle formée par le Zaïre. Ils ressemblent aux chimpanzés mais sont un peu plus petits. Ils sont l'espèce la plus menacée.

Frans de Waal
Né en 1948, le Néerlandais Frans de Waal est installé aux Etats-Unis, au Yerkes Center à Atlanta. Il s'est fait connaître par son étude sur la dynamique du pouvoir chez les chimpanzés (« La politique du chimpanzé », 1984). Il n'a cessé depuis lors d'approfondir ses observations et analyses sur les grands singes,
cherchant à identifier les traits de similitude et de divergence avec
l'espèce humaine. Son dernier livre, « Le singe en nous », est publié
chez Fayard (338 pages)
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http://againstsuffering.over-blog.com/
 
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