Thérapie. De plus en plus présents dans les lieux médicaux, leur compagnie apaise.
Les animaux font leur niche à l'hôpital
Par Ondine MILLOT
jeudi 29 septembre 2005 (Liberation - 06:00)
Véronique a 38 ans. Elle est autiste. Elle est assise à table dans la salle
à manger de l'Atelier, un centre pour adultes handicapés mentaux de
l'association l'Arche, dans le XVe arrondissement parisien. Sur la table,
affalé face à elle : Enzo, chien cocker. Véronique enfouit sa tête dans les
poils de l'animal. Elle sourit. Avec mille précautions, elle caresse la
tête, l'oreille. Enzo est le chien de Catherine. Depuis deux ans, cette
bénévole de l'association Parole de chien se rend tous les lundis à
l'Atelier.
«Dialogue». «Quand j'ai commencé, je ne connaissais pas l'histoire des
personnes que j'allais rencontrer ici, se souvient Catherine. Pour créer un
dialogue, j'ai demandé à Véronique le nom des parties du corps d'Enzo. Elle a nommé la patte, la queue, le museau. A la fin de la séance, l'éducateur m'a dit : "C'est incroyable." C'était la première fois qu'il entendait Véronique parler.» «C'est vrai qu'avec le chien il y a des déblocages impressionnants», dit Céline Beauvais, la directrice de l'Atelier. Au départ, la responsable n'était «pas convaincue» par la proposition de «visites canines» d'Isabelle de Tournemire, la fondatrice de Parole de chien. «C'est en essayant qu'on s'est rendu compte que certaines personnes se sentaient plus à l'aise face à un animal que face à un autre adulte. Le chien joue alors un rôle de médiateur.»
Aux Etats-Unis, on appelle cela la pet therapy (thérapie animale). Le terme regroupe de nombreuses initiatives, plus ou moins réussies, associant animaux et personnes handicapées ou malades. En France, de manière plus prudente, on parle d'«activités associant l'animal» (AAA). L'Afirac, Association française d'information et de recherche sur l'animal de compagnie, présidée par le Dr Didier Vernay (lire interview ci-dessous), a recensé une soixantaine d'expériences. Il s'agit la plupart du temps de chiens qui se rendent ou habitent dans des maisons de retraite, des hôpitaux ou des institutions pour personnes handicapées.
Yvette habite à la Maison des parents, une maison de retraite médicalisée du XIIIe, à Paris. Elle souffre de la maladie d'Alzheimer. «Tous les mardis,
quand arrivent les chiens, elle se lève, elle dit : "Les voilà !" Ça peut
vous paraître bête, mais c'est un des rares moments où elle est avec nous, dans le présent», dit Tony, animateur. Ce mardi, Alice, 22 ans, bénévole à Parole de chiens (1), fait passer sa chienne Scarlett de genoux en genoux.
«Pour certains, ça leur entraîne la mémoire de faire des jeux avec le chien, explique Jacqueline, une résidente de 90 ans. Moi, ce qui me plaît, ce sont les câlins.»
Formation. Aujourd'hui, un peu plus de la moitié des maisons de retraite
accueillent des animaux. «Cela ne se fait pas n'importe comment», insiste
Sarah Sebah, animatrice à la maison de retraite les Provinces du Nord, près de Lille. Pour recevoir la chienne Twinnie, l'ensemble du personnel a suivi une formation. «Twinnie a son emploi du temps, avec des ateliers
d'ergothérapie, de toilettage, raconte Sandrine Scheers, aide-soignante. Ce qui ne nous empêche pas d'être souples. Parfois, quand elles ont un soin difficile à faire, les infirmières l'emmènent. Ça détend l'atmosphère, un chien, ça fait passer la piqûre !»
(1) L'association cherche des bénévoles sur Paris. www.parole-de-chien.com
http://www.liberation.fr/page.php?Article=327257