58ème session de la Commission Baleinière prochainement : les pro et anti-chasse à la baleine s'affrontent à nouveau
01/06/2006 à 05:39
(Flash d'Océanie) - À l'approche de la 58ème session annuelle de la
Commission Baleinière Internationale (CBI), qui se déroulera du 16 au 20
juin à Saint Kitts et Nevis (Caraïbe), les pays opposés à la reprise de la
chasse commerciale à la baleine ont une nouvelle fois lancé une vaste
campagne de lobbying, en particulier dans les pays insulaires du Pacifique,
dont certains sont toujours tiraillés entre allégeance à l'Australie et à la
position pro-chasse du Japon.
Depuis la semaine dernière, dans la capitale caribéenne, les réunions
préparatoires de hauts fonctionnaires ont débuté avec, cette semaine, une
première session du comité scientifique de la CBI.
La session plénière à proprement parler durera quatre jours, du 16 au 20
juin.
Une nouvelle fois, tout comme les années précédentes, deux blocs
s'affronteront : d'un côté, les "protecteurs" (dont la France, mais aussi,
en Océanie, l'Australie et la Nouvelle-Zélande), favorable au maintien d'un
moratoire vieux de 18 ans sur la chasse commerciale à la baleine.
De l'autre, un groupe de pression mené par le Japon (et comprenant aussi
l'Islande) qui veut mettre un terme à ce moratoire.
Dès la fin avril, la pression remontait avec une démarche diplomatique
conjointe auprès du gouvernement norvégien afin de protester officiellement
contre les plans annoncés par Oslo d'augmenter ses quotas de chasse à la
baleine à plus d'un millier de têtes.
"La Nouvelle-Zélande est préoccupée du fait que le gouvernement norvégien a
augmenté à 1.052 son quota de prises de baleines Minke pour l'année 2006, ce
qui représente le volume de prises le plus important depuis vingt ans. Nous
ne savons pas quels effets cela aura sur la population de baleines. Les
critères que la Norvège a utilisés pour fixer ce quota n'ont pas été évalués
correctement, ni revus par le comité scientifique de la Commission
Baleinière internationale", a déclaré Chris Carter, ministre de la
protection de l'environnement.
La démarche néo-zélandaise a été effectuée en même temps que celle de dix
autres pays (dont l'Australie et la France) partageant les mêmes
préoccupations et se déclarant en "communauté d'idées" sur cette question.
Au total, ce sont l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le
Brésil, la République Tchèque, l'Espagne, la France, l'Allemagne, la
Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, et le Royaume Uni qui ont,
quasi-simultanément, effectué la même démarche par la voie diplomatique ou
ministérielle, avec comme principal message un appel à Oslo pour que la
Norvège abandonne ses activités de pêche à la baleine.
Parallèlement à cette démarche, au terme d'une réunion à Sydney avec le
Programme Régional Océanien pour l'Environnement (PROE, basé à Apia, Samoa),
Canberra et Wellington (et leurs ministres respectifs de l'environnement,
Ian Campbell et Chris Carter) ont annoncé un renforcement de leur
collaboration en vue protéger les baleines et les dauphins du Pacifique.
Des programmes collaboratifs dans le domaine de la formation, de l'étude
scientifique des mammifères marins et notamment des phénomènes d'échouage en
masse, de la mise en place de projets touristiques d'observation, pourraient
prochainement être mis en place, a annoncé M. Carter.
Ce dernier, plus spécifiquement, a aussi annoncé le prochain lancement d'un
programme d'étude dans les États océaniens de Tuvalu et de Kiribati.
Depuis plusieurs années, l'Australie et la Nouvelle-Zélande constituent le
fer de lance d'une initiative visant aussi à créer un sanctuaire pour les
baleines, couvrant la quasi-totalité du Pacifique Sud.
Un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine a été mis en place en
1988.
Toutefois, plusieurs pays, dont le Japon, la Norvège et l'Islande ont depuis
repris leurs activités de pêche, invoquant pour certains des motivations
"scientifiques".
Ces dernières années, au cours des précédentes réunion annuelle de la CBI,
le Japon a mené une série d'offensives et constitué un camp "pro-chasse"
visant à rassembler un soutien afin de faire passer par cette organisation
internationale une levée totale du moratoire.
Lors des derniers votes, la marge entre les deux camps était réduite à
l'extrême et les "protecteurs" craignent plus que jamais que cette année, le
lobby mené par le Japon parvienne à obtenir une majorité des voix parmi les
pays membres de la CBI.
En fonction de la majorité obtenue, les orientations de la CBI pourraient
aussi être affectées de différentes manières : à partir de 51 pour cent, ce
seraient d'abord les travaux de protection des baleines à la CBI qui
seraient touchés.
Au-delà de 75 pour cent, c'est le principe même du moratoire sur la chasse
aux cétacés qui serait remis en question.
Les petits États, y compris océaniens, fortement sollicités
Dans cette course aux voix, plusieurs pays océaniens, ces dernières années,
ont oscillé entre un camp et l'autre.
Depuis le mois dernier, Ian Campbell a repris son bâton de pèlerin pour
achever, cette semaine, une tournée océanienne qui l'a successivement emmené
dans plusieurs États océaniens considérés comme indécis quant à
l'utilisation de leur voix lors d'un prochain vote de la CBI.
À Kiribati, mardi, les autorités lui ont opposé une fin de non recevoir, en
réponse à la demande australienne de soutenir, mi-juin, une motion offensive
de la part des protecteurs et visant à placer un moratoire sur la chasse à
la baleine "à des fins scientifiques".
Le Japon et plusieurs pays du camp pro-chasse utilisent en effet cet
argument pour une effectuer chaque année un volume important de prises.
La réponse de Kiribati à l'Australie a clairement indiqué un maintien du
soutien au camp des pro-chasse.
Nouveau paramètre cette année sur l'échiquier des membres de la CBI :
l'adhésion, depuis cette année, des îles Marshall.
Hors Pacifique, un autre nouvel arrivant est le Guatemala qui devrait lui
aussi pencher en faveur du Japon.
Mercredi, face au ministre australien, les autorités de Majuro ont confirmé
leur nouveau statut de membre, tout en restant évasives quant à leurs
intention de vote à Saint Kitts et Nevis et en précisant que cette question
serait débattue lors d'un prochain conseil des ministres.
Tuvalu a aussi une position relativement claire, qui devrait se calquer sur
celle de l'an dernier, en faveur du Japon.
Ian Campbell s'est toutefois voulu optimiste, en précisant en substance que
pendant les deux semaines restante avant la réunion de la CBI, "il reste du
temps pour convaincre les indécis et leur fournir toutes les dernières
informations disponibles afin que ces pays puissent une décision informée,
pour le bien de la nation et de leur peuple".
Le ministre australien a achevé sa visite jeudi avec un crochet par Vanuatu,
qui n'est pas encore membre de la CBI.
Chris Carter, ministre néo-zélandais de l'environnement, a lui aussi
effectué ces derniers jours une tournée océanienne qui l'a emmené
successivement à Kiribati, à Tuvalu, aux îles Salomon et à Nauru.
Il a obtenu peu ou prou les mêmes réponses, voire non-assurances, que son
collègue australien.
Greenpeace, Australie, Nouvelle-Zélande, France : même combat
Au plan de la campagne de la part des organisations non-gouvernementales,
c'est Greenpeace qui, une nouvelle fois, se trouve en fer de lance : mardi,
l'organisation, depuis son bureau australien, a exhorté les pays insulaires
océaniens à "ne pas se laisser abuser par l'argument de 'pêche durable à la
baleine' et, au lieu de cela, à voter pour la protection des baleines".
"Greenpeace sera à nouveau présent à la réunion de la CBI et se fera
l'avocat, de manière forte, d'une cessation complète de la pêche à la
baleine, une fois pour toutes", a notamment déclaré Steve Shallhorn,
directeur de Greenpeace Australia-Pacific.
"Il n'y a pas de véritable marché pour la viande de baleine, même au Japon
et les pays du Pacifique pourraient faire pencher la balance de notre côté
en votant contre les nations pro-pêche", a-t-il ajouté en précisant que
durant la dernière saison, le Japon avait tué 853 baleines minke.
Greenpeace a une nouvelle fois aussi relancé le concept d'un sanctuaire pour
les baleines dans le Pacifique Sud, une idée également fortement soutenue
par l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais qui jusqu'ici est restée sans
suite.
À partir de la semaine prochaine (soit une semaine avant la réunion de la
CBI), par ailleurs, sur les petits écrans australiens, Greenpeace fera
diffuser une série de spots publicitaires de trente seconde dénonçant, à
l'aide d'image particulièrement crues et sanglantes, la chasse à la baleine.
Concernant les vote des pays océaniens lors de la dernière session de la
CBI, à Tulsan (Corée du Sud), Greenpeace a aussi rappelé cette semaine les
pointages : côté Japon, on trouve Palau, Kiribati, Tuvalu et Nauru.
Plusieurs pays de la région ne sont pas membres de la CBI, mais ont quand
même, ces dernières années, déclaré leurs eaux respectives sanctuaires pour
les baleines.
Il s'agit de Fidji, de Tonga, de Vanuatu, de Niue, des îles Cook, de Tonga
et de Samoa.
Dans plusieurs de ces pays, l'émergence d'un nouveau type d'attraction
touristique, le "whale-watching" (observation par les touristes des
baleines, lors de leur passage dans le Pacifique Sud), rapporte depuis
maintenant quelques années un volume substantiel de devises étrangères.
L'an dernier : beaucoup de surprises
Fin octobre 2005, Paul Maenu'u, alors ministre salomonais des pêches, avait
dû démissionner du gouvernement de cet archipel mélanésien en raison de la
position qu'il avait prise quatre mois auparavant lors de la 57ème session
de la Commission Baleinière Internationale (CBI) à Ulsan (Corée du Sud).
Lors de la 57ème session de la Commission Baleinière Internationale (CBI) à
Ulsan (Corée du Sud), en juin 2005, plusieurs petits États insulaires
océaniens avaient promis leur soutien au lobby anti-chasse, mais avaient au
dernier moment voté aux côtés du Japon.
Les îles Salomon avaient promis a minima une abstention durant le vote de la
motion japonaise demandant la levée du moratoire de 1986 sur l'interdiction
de la chasse commerciale à la baleine.
Le représentant de cet archipel avait finalement voté avec les pro-chasse,
même si la motion avait finalement échoué de peu.
Quelques jours après cette 57ème réunion de la CBI, le gouvernement japonais
annonçait le financement de la rénovation complète du terminal et de la
piste de l'aéroport international des îles Salomon, pour un montant affiché
à cinquante millions de dollars.
Maatia Toafa, Premier ministre de Tuvalu, qui avait lui aussi rencontré M.
Campbell dans les jours précédant la dernière réunion de la CBI, en juin de
l'an dernier, avait ensuite farouchement démenti que les aides japonaises
avaient quelque chose à voir avec l'orientation de son vote pro-chasse à la
CBI.
"C'est notre décision (…) Et nos grands frères (Big Brothers) n'ont pas à
s'ingérer dans cela", avait-il déclaré.
Nauru, l'an dernier (tout comme le Togo), avait réussi, quoique de manière
peu conventionnelle, à se soustraire à la pression du vote à la CBI : son
délégué est arrivé suffisamment en retard, et sans les accréditations
nécessaires, pour ne pas pouvoir participer à ce vote sensible, malgré les
tentatives nippones de retarder ce scrutin pour permettre de rectifier cet
état de faits.
Même si les pays "protecteurs" au sein de la CBI sont parvenus à mettre en
échec la demande japonaise de levée du moratoire sur la chasse commerciale
(qui reste donc en place), ils n'ont rien pu faire pour empêcher le Japon
d'annoncer unilatéralement, en vertu d'une clause "scientifique" de ce
moratoire, le quasi-doublement du nombre de ses prises de baleines Minke,
ainsi que de nouvelles espèces, comme les baleines à bosse (celles qui
attirent le plus d'observateurs dans de nombreux pays océaniens, au moment
de leur passage) ou encore les rorquals communs.
Frappé par le vote de trente pays membres d'une motion présentée par
l'Australie et condamnant fermement les arguments scientifiques, le Japon a
une nouvelle fois agité le spectre de son retrait de la CBI.
Quant à la victoire de cette motion australienne (30 voix contre 27)
exhortant Tokyo à cesser ses chasses "scientifiques", elle fut l'an dernier
toute relative : elle n'engage en rien ni le Japon, ni la CBI, puisque la
clause scientifique invoquée par le Japon fait partie des rares conditions
permettant de contourner le moratoire, tel que défini par cette organisation
internationale elle-même.
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