La chasse à la baleine échoue à Tokyo !
Faune. Les pratiques du Japon, pays hôte d'une conférence sur le sujet,
sont fortement décriées. La chasse à la baleine échoue à Tokyo
Par Michel TEMMAN
QUOTIDIEN : mercredi 14 février 2007
En ouvrant, hier à Tokyo, une conférence internationale sur la chasse à la
baleine, le Japon, défenseur de la pratique, espérait *«dépassionner le
débat». *Raté ! La tenue de cette réunion de trois jours inutile et
coûteuse, organisée par l'Agence nippone des pêches qui a annoncé que le
pays allait tuer d'ici à mars 850 baleines de Mink et 10 rorquals , semble
avoir produit l'effet inverse.
Depuis lundi, si la conférence fait parler d'elle, c'est d'abord parce que
26 pays antichasse, et non des moindres (Etats-Unis, Canada,
Nouvelle-Zélande, Australie, Grande-Bretagne, France, etc.), ont décidé de
la boycotter. Signe de l'isolement du Japon : sur les 72 Etats membres de la
Commission baleinière internationale (CBI) invités, la moitié seulement a
daigné se déplacer.
*«Achat de vote». *Plus symboliquement, le coup d'envoi de la réunion n'a
pas été donné hier à Tokyo. Il s'est produit lundi, au large de
l'Antarctique, quand un baleinier nippon, le *Kaiko Maru, *a lancé un signal
de détresse après s'être fait éperonner par un navire de l'organisation
écologiste Sea Shepherd qualifiée d' *«organisation terroriste» *par un
membre du gouvernement. *«Les navires de Sea Shepherd pourchassent la flotte
baleinière japonaise pour lui faire obstruction. Elle fuit à pleine vitesse
pour échapper à nos navires. Et quand elle fuit, elle ne tue pas de
baleines», *s'est félicité Paul Watson, leader de l'organisation, qui estime
depuis des années que la *«chasse scientifique» *nippone est *«une pêche
commerciale déguisée». * Ce n'était sans doute pas le but mais la conférence
de Tokyo offre aux Etats et aux groupes antichasse l'occasion rêvée de
protester contre la politique baleinière du pays. Notamment les méthodes
utilisées par le Japon pour négocier auprès de pays en développement un
*«achat de vote», *utile lors des scrutins de la CBI. De son côté,
Greenpeace accuse au passage les pays achetés d'accepter les largesses de
Tokyo... D'après l'Ifaw (Fonds international pour la protection des
animaux), le pays a souvent recours à des procédés *«subtils, abusifs ou
agressifs» *pour acheter des voix.
Comment ? En promettant des contreparties à des micro-Etats de Micronésie,
du Pacifique Sud ou des Caraïbes. Ou à des pays africains courtisés à l'aide
de programmes d'aide au développement chiffrés en millions de dollars.
D'après Masayuki Komatsu, ex-commissaire nippon à la CBI, *«le Japon use de
son influence pour sécuriser le soutien nécessaire à sa campagne visant à
lever l'interdiction *[décrétée en 1986, ndlr] *de la chasse à la baleine».
*Le Japon qualifie cette stratégie officielle de *«programme global de
consolidation des votes». * *Magots. *Le 18 juillet 2005, trois
représentants de micro-Etats des Caraïbes (Grenade, Dominique et îles
Salomon) avaient expliqué dans le détail, sur un plateau télé de la chaîne
australienne ABC, comment le Japon avait abusé de son *«influence» *et de
*«méthodes de lobbying intenses» *à leur égard pour obtenir leur soutien.
*«Par son aide *[près de 50 millions d'euros depuis 1992, ndlr] *, le Japon
a acheté le vote de notre République.
C'est plus que de l'extorsion de fonds», *avait déclaré Atherton Martin,
ex-ministre dominicain de l'Environnement.
Isolée, refusant de mesurer la cruauté d'une chasse séculaire qui utilise
aujourd'hui le harpon à explosif, la filière baleinière nippone, assise sur
ses magots de yens une campagne de chasse peut rapporter près de 25
millions d'euros , répète que *«la chasse à la baleine est, au Japon, une
vieille tradition, partie intégrante de *[sa] *culture». *Echec
préprogrammé, la conférence de Tokyo voulait pacifier les deux camps. A la
prochaine réunion de la CBI, en mai en Alaska, les débats s'annoncent au
contraire déjà des plus houleux.
Chasse à la baleine REUTERS