Jean Ziegler qualifie le recours aux biocarburants de 'crime contre l'humanité' 26 octobre 2007 – Le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, Jean
Ziegler, s'est inquiété aujourd'hui à l'ONU de l'augmentation du nombre
d'affamés dans le monde et a dit craindre que la production massive de
biocarburants comme l'éthanol n'aggrave encore le problème en diminuant les
surfaces agricoles consacrées aux cultures vivrières.
Il a appelé à un moratoire de cinq ans, le temps nécessaire, a-t-il espéré,
pour que la recherche trouve le moyen de tirer de l'éthanol des déchets
agricoles, essentiellement des parties non comestibles de plantes comme le
maïs ou le blé. « Il est légitime de vouloir fabriquer des biocarburants
mais le résultat va être désastreux dans l'immédiat », a-t-il déclaré lors
d'une conférence de presse au siège de l'ONU à New York (webcast).
Il n'a pas hésité à parler d'un « crime contre l'humanité qui est commis
lorsque l'on convertit un sol productif pour l'alimentation en terre à
produire du biocarburant ».
M. Ziegler, qui s'est aussi exprimé hier devant la Troisième Commission de
l'Assemblée générale, chargée des questions sociales, humanitaires et
culturelles, a dit craindre que le premier Objectif du Millénaire pour le
développement (OMD), la réduction de l'extrême pauvreté et de la faim, ne
soit pas atteint à l'échéance de 2015.
Il a rappelé que le nombre de personnes souffrant de la faim et de la
malnutrition a augmenté tous les ans depuis 1996 pour dépasser les 850
millions, alors que l'on estime que la Terre pourrait nourrir 12 milliards
d'êtres humains, soit deux fois la population mondiale actuelle.
En réponse à l'argument selon lequel le nombre d'affamés n'a en fait pas
augmenté, en chiffres relatifs par rapport à la croissance de la population
mondiale, l'universitaire suisse a répondu: « Je n'accepte pas ce
raisonnement car un enfant qui meurt de faim n'est pas une statistique ».
Selon les estimations de l'ONU, six millions d'enfants de moins de cinq ans
meurent chaque année dans le monde à cause de la malnutrition et des
maladies associées.
Parlant d'un « massacre de la faim qui n'obéit pas à la fatalité », il a
estimé qu'un « enfant qui meurt de faim est assassiné ».
Jean Ziegler a mis en cause en particulier les subventions agricoles
européennes qui permettent d'inonder les marchés africains à prix bradés et
qui entraînent la ruine des agriculteurs locaux. Selon lui, « l'Union
européenne crée de la faim en Afrique par son dumping agricole ».
Le Rapporteur spécial est aussi alarmé par l'augmentation des « réfugiés de
la faim » qui tentent de gagner l'Europe et l'Amérique du Nord pour survivre
et qui sont considérés comme des délinquants lorsqu'ils arrivent à
destination quand ils ont la chance de ne pas mourir en chemin.
Il a estimé qu'il est grand temps de renforcer les mécanismes de protection
nationaux et internationaux en réaffirmant concrètement « le droit de se
nourrir ». Les droits de l'homme ne sont pas uniquement politiques et
civiques, a–t-il souligné, mais ils touchent aussi à l'économique, au social
et à la culture. Jean Ziegler a estimé que l'Europe doit trouver une réponse
autre que militaire pour repousser les miséreux à ses frontières. Il a
proposé de créer un nouveau droit de l'homme –le droit d'accueil provisoire–
qui protégerait les réfugiés de la faim », dont l'existence n'est
actuellement pas reconnue dans les conventions internationales.
Source
Vos réactions? Vous en pensez quoi? D'accord ou pas d'accord?