Une protéine thérapeutique de nouvelle génération pour le traitement de l'anémie
20 mars 2008
Un nouveau système de fabrication de la protéine thérapeutique la plus utilisée chez l'homme pour le traitement de l'insuffisance rénale vient d'être mis au point par des chercheurs de l'Institut du Thorax (Inserm, CNRS, Université de Nantes) et de l'institut Universitaire d'Hématologie (Inserm, Hôpital Saint Louis, Paris). Les scientifiques ont réussi à utiliser directement les propriétés des cellules musculaires pour restaurer une synthèse naturelle et durable de l'hormone érythropoïétine ou EPO déficitaire dans l'insuffisance rénale. Une nouvelle méthode qui offre la possibilité de s'affranchir des contraintes de l'utilisation d'EPO "préfabriquée".
Ce travail est publié dans la revue Human Gene Therapy.
Les premiers traitements médicaux à base de protéine datent des années 70-80. Il s'agissait de protéines dites d'extraction, prélevées dans des tissus ou organes et ré-administrées aux individus malades. Cette première génération de protéine a vite été remplacée par des protéines recombinantes, issues du génie génétique, plus fiables et dont la production à l'échelle industrielle est possible. Mais les traitements actuels sont souvent contraignants pour les patients et ne sont pas totalement satisfaisants. C'est le cas dans l'insuffisance rénale.
Le mauvais fonctionnement d'un rein engendre un déficit de production d'EPO, une hormone naturellement produite par cet organe et indispensable à la synthèse des globules rouges. Sans EPO, et donc sans globules rouges en quantité suffisante, l'organisme se retrouve en anémie. Le traitement actuel consiste à injecter des doses régulières d'EPO recombinante, déjà « toute prête ». Mais cette technique pose le problème majeur de la disparition très rapide de la protéine de l'organisme (d'où la nécessité de répéter les injections plusieurs fois par semaine pendant toute la durée du traitement).
L'équipe dirigée par Bruno Pitard a innové en utilisant directement les cellules musculaires de l'individu à traiter pour assurer leur propre synthèse d'EPO. Cette nouvelle méthode consiste en l'injection intramusculaire d'un vecteur de très petite taille transportant le gène de l'EPO. Ce vecteur de nouvelle génération, véritable « taxi moléculaire », passe au travers des défenses immunitaires et des membranes cellulaires et délivre la séquence d'ADN au coeur du muscle qui peut alors produire naturellement de l'hormone thérapeutique.
Un taux d'hématocrite normal rétabli durablement
Chez des souris en bonne santé, cette méthode a permis d'augmenter le taux d'hématocrite (volume des globules par rapport au volume sanguin total) de plus de 30%. Cette nouvelle méthode de fabrication a été également validée dans un modèle animal d'insuffisance rénale rétablissant le taux d'hématocrite à des valeurs normales avoisinant les 50%. De plus, l'expression de l'EPO est prolongée, ce qui permet un maintient du taux d'hématocrite stable pendant au moins 9 mois après seulement 2 à 4 injections, alors que l'utilisation de l'EPO recombinante nécessite plusieurs injections par semaine pendant toute la durée du traitement.
Ce nouveau système de délivrance dans l'organisme ouvre la voie à toute une nouvelle génération de protéines thérapeutiques pour le traitement de pathologies héréditaires ou acquises de déficit en protéine (Facteurs de coagulation, insuline, hormone de croissance...).
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