Hongrie: les producteurs de foie gras entre éthique et gourmandise
BUDAPEST (AFP) - Savoir si les oies apprécient ou souffrent du gavage n'est plus une question centrale en Hongrie, où l'avenir des producteurs de foie gras dépend désormais de savoir qui des défenseurs des animaux ou des amateurs de plaisirs culinaires va remporter la bataille.
L'ONG internationale "Quatre Pattes", partie en guerre depuis 2006 contre le gavage des oies en Hongrie a, en effet, réussi à faire disparaître en août dernier le foie gras hongrois de plusieurs grandes surfaces allemandes avec l'argument de la cruauté envers les volatiles.
La décision en Allemagne a entraîné des licenciements chez le grand producteur hongrois Hungerit S.A, qui exportait principalement vers ce marché européen.
La presse hongroise, elle, s'est immédiatement fait l'écho des nombreux appels de détresse des professionnels de la branche annonçant la fin d'une industrie traditionnelle au nom des droits des animaux et au détriment des droits de l'Homme.
"Le gavage n'est pas une torture", selon Laszlo Barany, président du Conseil des volailles, l'association représentant l'industrie hongroise. Il lutte pour le retrait du nom de sa société et d'une douzaine d'autres producteurs hongrois et français de la liste noire de l'ONG "Quatre Pattes".
Selon M. Barany et ses collègues, cette histoire de protection des animaux ne serait en fait qu'un prétexte derrière lequel se cachent les partenaires allemands soucieux de favoriser les fournisseurs de volaille locaux.
"Le lobbying des éleveurs d'oies allemands est efficace, car leur industrie croissante a besoin d'un marché plus grand aussi", explique Laszlo Barany. Ils font valoir que leurs produits sont "bio" et attirent ainsi plus de consommateurs allemands, précise à l'AFP un autre éleveur hongrois.
Les géants allemands de la distribution Rewe et Edeka ont déjà délibérement choisi depuis des années de ne plus proposer de produits de foie gras à leurs clients.
"Nous avons également décidé de ne vendre aucune partie -- frais ou congelé -- d'un animal qui a été élevé pour son foie", a déclaré à l'AFP Martin Bruning, du groupe Rewe.
Dans la ferme de Laszlo et Magdalena Pitti à Ujkigyos (226 km au sud de Budapest), 400 oies attendent leur troisième repas du jour.
Les volatiles, cacardant à tue tête, ne semblent pas stressés alors que Laszlo les guide, par groupe de 10, vers la gaveuse automatique, comme il le fait depuis 24 ans.
"Celles-ci sont à mi-chemin, il leur faut encore une dizaine de jours de gavage", explique-t-il.
Lazslo les attrape par les ailes, les maintient sous le genou et introduit le tuyau flexible, long comme un crayon, dans leur bec. Une simple pression sur une pédale propulse le mélange tiède de maïs et de purée de soja directement dans le gésier.
Une seconde plus tard, le volatile est à nouveau sur pieds et retrouve ses congénères sans aucune trace de malaise.
Pendant les 18 à 21 jours de gavage habituel, le précieux foie des oies double de volume pour atteindre 500 à 600 grammes.
"C'est vrai, les oies ne demandent pas le tuyau, mais est-ce que les chevaux demandent les jockeys sur leur dos? Ou les vaches les machines-trayeuses?", demande Lajos Papp, responsable d'une association d'éleveurs d'oies.
Son entreprise "Komlosi Lud Sarl" vend un million d'oies et 200.000 canards par an, leurs foies gras et leur viande étant surtout exportés en Allemagne.
"Il faut laisser le choix au consommateur", dit-il.
Cette solution permettrait peut-être de mettre un terme à la guerre du foie gras déclarée par "Quatre Pattes", selon M. Papp qui propose une étiquette sur les produits informant les consommateurs sur les méthodes de gavage, forcé ou non.
Enfin, à l'exemple de ce qui se fait en France, les producteurs hongrois tentent de faire qualifier officiellement leur production de foie gras comme "Hungaricum" avec à la clé des protections spécifiques pour tout le secteur.
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